À maladie rare, journée rare
À maladie rare, journée rare
Le Soleil
Québec
«L’expérience personnelle, individuelle, d’apprendre qu’on a une maladie rare, c’est de se sentir seul au monde, ou comme un extraterrestre.»
Pour le médecin généticien Bruno Maranda, les maladies
rares sont chose commune. Mais pour les malades qui apprennent la
nouvelle ou leurs proches, dit-il, l’expérience est bouleversante.
C’est pourquoi il est extrêmement important de les mettre en contact
les uns avec les autres, lorsque c’est possible.
Le médecin
participait hier à une rencontre de presse à Québec à l’occasion de la
première Journée internationale des maladies rares. À maladie rare,
journée rare, ce sera le 29 février, ont en effet décidé les
organisations à l’origine de cette initiative.
La rencontre
était aussi l’occasion de présenter le Portail québécois des maladies
génétiques orphelines (PQMGO), un site Internet ayant pour mission de
diffuser l’information sur les maladies rares, mais aussi susciter,
grâce à des témoignages, des prises de conscience face aux symptômes ou
conditions affectant certaines personnes.
Car maladie rare
équivaut souvent à ignorance, soulignait Denis Fiset, directeur de la
Fondation le monde de Charlotte, l’organisme à l’origine du portail. De
par leur rareté, elles sont méconnues bien souvent des médecins
eux-mêmes, si bien qu’il peut être long avant d’avoir un diagnostic. Et
pas de diagnostic équivaut bien souvent à des soins inadéquats.
«Il
y a 24 généticiens au Québec alors qu’il en faudrait 45. Pensez-vous
qu’on en voit souvent se promener en Gaspésie?» a lancé le directeur.
Les cimetières parlent
Lui-même
va parfois se promener dans les cimetières des petits villages. Il dit
ainsi avoir découvert à Saint-Juste-du-Lac, dans le Bas-Saint-Laurent,
les tombes de six enfants d’une même famille morts en l’espace de 10
ans, il y a de cela une quarantaine d’années. «Pensez-vous que les
familles savaient de quoi ces enfants sont morts? Que les cousins, les
cousines, savent ce qui pend au-dessus de leur tête? Personne n’est au
courant. C’est notre rôle de sortir ça», dit-il à propos de la
fondation qu’il dirige.
Il invite les personnes atteintes ou
leurs proches à se manifester. «On ne peut pas aller chercher les gens
chez eux par la main.» Mais tant qu’ils resteront isolés dans leur
coin, les maladies rares continueront d’être ignorées du monde médical
et de la recherche pharmaceutique, dit-il.
Dans le brouillard
M.
Fiset a mis la Fondation sur pied après avoir vécu la douloureuse perte
de sa petite Charlotte à l’âge de quatre ans et demi, emportée par la
maladie de Tay-Sachs. «On nageait dans le brouillard total», dit-il à
propos de cette expérience.
Armand Perreault, lui, n’a su
véritablement ce qui l’affectait que l’automne dernier, lors d’une
conférence donnée par un médecin japonais. Dans la cinquantaine et
atteint du syndrome de Morquio, qui affecte la croissance des os, il
n’avait jamais vraiment reçu d’informations sur sa maladie, dit-il.
Un lourd fardeau pour les malades et les proches
Un
enfant atteint d’une maladie rare n’est jamais seul dans son malheur.
C’est toute sa famille, et au premier chef ses parents, qui porte ce
lourd fardeau.
Selon Denis Fiset, de la Fondation le monde de
Charlotte, 75 % des diagnostics de maladies rares sont posés sur des
enfants, et le tiers d’entre eux ne survivront pas. Pour les parents,
l’impact est violent.
De huit à neuf couples se séparent à la
suite du décès d’un enfant attribuable à une maladie grave «parce
qu’ils ne peuvent plus se faire face», dit M. Fiset. Et dans la
majorité des cas, l’un des deux laisse son boulot pour s’occuper de
l’enfant. Les difficultés économiques sont à l’avenant.
Mais
apprendre que son enfant est atteint d’une maladie rare veut souvent
dire apprendre que l’on en est soi-même porteur. Une grande partie de
ces pathologies sont en effet d’origine génétique, indique le Dr Bruno
Maranda. Une personne porteuse n’est pas malade. Mais lorsque deux
porteurs ont un enfant ensemble, le risque que l’enfant développe la
maladie est d’un sur quatre. Ce qui ne va pas sans causer des drames au
sein des couples qui, après une douloureuse expérience, se demandent
s’ils peuvent procréer de nouveau.
Chantal Michaud, elle, a la
«chance» d’être porteuse d’une maladie pouvant être détectée par un
test prénatal, la maladie de Tay-Sachs. Maman d’un petit Antonin en
parfaite santé, elle a ensuite perdu un enfant à cause de cette
maladie. Aujourd’hui, elle est enceinte de cinq mois et sait que son
bébé est en santé, grâce à l’amniocentèse.
Julie Corbin, elle,
n’a pas cette possibilité. Elle aussi avait un petit garçon en santé
lorsque la petite Émilie est née. La pouponne a vécu quatre mois avant
de mourir du syndrome de Leigh. Malheureusement, il n’y a pas de test
prénatal qui puisse lui permettre de savoir si un prochain enfant sera
atteint.
Pour d’autres, enfin, l’ignorance et l’inconnu pèsent
de tout leur poids. C’est le cas des parents de la petite Juliette. La
bambine de cinq ans, qui a déjà fait l’objet d’un reportage dans Le
Soleil, ne parle pas, ne marche pas, est incontinente et fait
régulièrement des contusions. «On n’a pas de diagnostic, dit la maman
Chantal Lévesque. On ne sait pas si sa condition va continuer de se
détériorer, si elle va mourir, rien.»
Pour en savoir plus sur les maladies rares :
À consulter:
www.pqmgo.org