Nous publions aujourd’hui le témoignage de Rachel  qui a eu les honneurs de la presse (les dernières nouvelles d’Alsace le 23 septembre 2015 dans l’édition du Haut Rhin.                    

Souffrant de plusieurs pathologies (dépression, fibromyalgie et polyarthrite rhumatoïde séronégative)  il m’a été notifié un degré d’ de catégorie 1. Hors les conséquences psychologiques et fonctionnelles sont beaucoup plus importantes que ce qui a été retenu par le service médical de la CPAM.

Je suis incapable d’effectuer quelque activité professionnelle que ce soit, et ceci même à temps partiel, car je ne suis même plus capable de gérer mon quotidien. Je précise que je vis seule. Mes douleurs et mon asthénie sont telles, que les tâches les plus simples sont, soit très douloureuses, soit impossible à effectuer. Tel que:

M’habiller – Me laver – Les courses – Le ménage – Cuisiner – Conduire (hormis les douleurs, je n’arrive plus à me concentrer) Je me fais conduire à mes RV médicaux dans 80% des cas) Très peu de sommeil, et pas réparateur, même avec les traitements. Asthénie très importante. Syndrome des jambes sans repos. Perte importante de mémoire, problème d’élocution. La station debout est pénible et douloureuse. Parfois celle assise aussi. Tout dépend des douleurs du jour. Et les jours où c’est “moins pire” je suis si heureuse de pouvoir faire quelque chose, que je puisse enfin retrouver un peu de dignité et d’utilité. Même si je dois régulièrement faire des pauses entre 2 activités. Et cela ne s’arrête pas là, car tous ces “obstacles” font boule de neige et échos à d’autres angoisses et passé douloureux  et violent, qui m’ont mené à une véritable phobie sociale en plus de ma dépression:

Sortir (quand je le peux) est une épreuve. J’ai peur que l’on me touche, ou me bouscule, la foule et le bruit m’angoissent. Je ne veux parler à personne. Je vis dans un stress permanent. Nausées, vertiges, sensation de manquer d’air. Je refais des crises de somnambulisme, alors que je n’en avais plus fais depuis mon enfance. La fatigue m’empêche de tenir une conversation trop longue, car la concentration et l’énergie ne sont pas là. Je cherche mes mots ou en dit 1 autre à la place. Je ne veux être que chez moi car c’est le seul endroit où je me sente à peu près en sécurité. Je me sens tellement diminuée, physiquement et psychologiquement, que je dors avec un couteau à côté de mon lit ; et je sursaute au moindre bruit. La moindre contrariété ou stress émotionnel réveillent ou augmentent mes douleurs.

Je ne me reconnais plus! J’étais tout l’inverse avant tout ça. Et c’est d’une violence inouïe!!!!

Pour ce qui est des douleurs physiques (toutes confondues): Fortes migraines – Douleurs cervicales et base de la nuque – Bas du dos et milieu des omoplates (sensation d’un point qui brûle) Quasi toutes mes articulations – Mâchoires – dessous et dessus des pieds – Orteils – Chevilles – Talons (ligament et os)- Genoux (ligaments et os)– Bassin – Doigts (à ne parfois pas pouvoir porter une assiette) Epaules (+ 1 capsulite à gauche) Muscles des jambes. Des fesses. Foie, intestins et reins fragiles (nausées – vomissements –collopathie fonctionnelle, pyélonéphrite rein D) La sensation que ma peau est brûlante, ou qu’elle va se déchirer.  A ne plus pouvoir porter n’importe quel vêtement. Ou soutien gorge à cause des trapèzes. Sans parler des chaussures. Syndrome sec (yeux et bouche) Je ne peux plus lire ou rester devant un écran trop longtemps sans avoir des douleurs et/ou que cela me déclenche des maux de tête.

Et tant d’autres douleurs et blessures. Par discrétion et pour préserver Rachel nous avons supprimé la plupart d’entre elles.

Et cette décision (qui de plus n’est pas figée puisque l’on peut passer d’une catégorie à une autre) a été prise par un homme qui  m‘a vu 3 fois 10 mn environ, en un peu plus de 2 ans. Un homme d’une froideur incroyable, qui ne m’a posé aucune question sur ma vie au quotidien, ou comment je vivais la maladie, à part de savoir quels médicaments je prenais, et fais des tests de réflexes des genoux, mesurer et peser (en gros) Un homme qui n’avait d’yeux que pour ses dossiers papiers et son écran ordinateur. Un homme à qui j’ai indiqué que mes médecins m’avaient dis que je n’étais pas apte à travailler, m’a rétorqué (je le cite)

“Vous savez, chacun peut dire ce qu’il veut” !!!!!!!!!

Imaginez ma surprise!!! Et c’est un euphémisme! J’étais choquée!! Je le suis toujours d’ailleurs. Je peux même rajouter, que depuis ce jour, je ne quitte mon lit que pour quelques heures, tant mon moral est au plus bas, et mes douleurs au plus haut.

Comment peut-on dire ça? Comment peut-on traiter quelqu’un en souffrance morale et physique, avec une telle absence d’humanité, autant de mépris et d’indifférence? Cela ne fait-il pas partie du rôle d’un “MEDECIN”?

Je ne travaille plus depuis bientôt 3 ans. J’ai pensé au début que ça allait s’arranger, et qu’on me trouverait un traitement rapidement, et que tout allait rentrer dans l’ordre. J’ai commencé à travailler à l’âge de 16 ans. J’ai élevé mon fils toute seule, toujours payé mes factures, et fais ce qu’il fallait pour qu’il ne manque de rien. J’ai toujours été dans l’action, autonome et indépendante. Jamais été gravement malade. Et là ça me tombe dessus. Je n’ai pas choisi. Personne ne choisi. Pourquoi ai-je toujours ce sentiment d’être punie une seconde fois? Pensez vous vraiment que je me réjouisse de rester chez moi, à toucher une misère? A ne plus pouvoir faire des projets d’avenir? Ni de projet tout court d’ailleurs. Je vis au jour le jour, car je ne sais jamais si je vais pouvoir me lever le lendemain, ni pour combien de temps. Alors oui, parfois j’ai 1 ou 2 jours de “répit”. Alors j’ai envie de “bouffer” la vie. De déplacer des montagnes. Mais je ne peux pas. Alors je me contente de faire ce que mon corps m’autorise. Tout en sachant que je le paierais les jours suivants.

Ce sera prendre la voiture pour faire ¾ courses. Car je ne peux pas porter lourd. (Je pense à faire le plus gros en passant par le Drive, car ma belle mère ne sera pas toujours là) Ou alors rendre visite à ma famille qui habite à 2 kms. Ou passer l’aspirateur. Ou un bain ou une douche, quand j’y arrive. Sinon j’utilise des lingettes pour faire 1 petite toilette rapide. Ou ranger mes papiers et m’occuper de l’administratif. Mais je dois faire des choix, car mon corps ne me permets pas de tout faire en une journée. Donc je fais par degré d’urgence, de priorité et d’énergie. Car je suis comme une batterie de téléphone. Je me décharge très vite, et en général ma plage horaire est très restreinte. Jamais plus de 3h grand maximum. Et parfois l’eéergie est là, mais les douleurs trop intenses. Et le moral…

Alors oui c’est peu, et je sais que je vais le payer le lendemain systématiquement, par les douleurs et encore plus de fatigue, mais quel plaisir je prends dans ces moments là. Car j’ai enfin à nouveau ressenti la sensation d’avoir été utile et efficace. Et pour quelqu’un comme moi qui a toujours tout gérée seule, et qui aimait avoir des responsabilités, je peux vous dire que c’est d’une violence inouïe  * de se dire que vous ne pourrez plus. Alors on vous le fais comprendre petit à petit. D’abord les médecins, puis très vite votre corps. Mais dans la tête ça va beaucoup moins vite. Le chemin de l’acceptation est très long. J’ai l’impression que je ne l’atteindrais jamais…

Je ne m’étalerai pas sur la perte financière ENORME, et l’angoisse qui va avec de ne plus être sûre de pouvoir payer ses factures, ou acheter de quoi manger. Le minimum quoi…. (et j’oublie les projets éventuels, car je sais que maintenant, c’est impossible) Que l’on me donne UNE seule bonne raison de rester positive, et de continuer à souffrir et “survivre” de cette façon?

Et puis vient la rencontre avec cet homme, le médecin conseil, qui, comme Jules César, détient votre vie entre ses mains, et qu’il lui suffit de monter ou baisser son pouce pour sceller votre sort.

Et encore, je m’estime chanceuse d’avoir ma belle mère (femme de mon père) qui est présente pour moi. Elle me fait 80% de mes courses. Idem pour m’emmener à mes RV médicaux, me fait le plus gros du ménage, me ramène mes repas du midi, etc.. Car je ne sais pas comment je ferais sans elle. Et cela depuis plus de 2 ans.

Et malgré tout ça, après avoir perdu ma santé, mon travail, une partie de mes amis (car repli sur soi, pas la force de participer à aucune activité, refuser systématiquement les invitations, ça lasse) ma joie de vivre, ma force de caractère, il me faut encore que je me sépare d’une chose que je voulais à tout prix garder, au moins en partie, c’est ma dignité. Dignité qui était déjà bien entamé quand il a fallu que je m’adresse à une assistante sociale pour avoir de l’aide. Mais ça non plus on ne me l’autorise pas, car je suis obligée de vous demander de revoir mon dossier, et de bien vouloir m’accorder le taux d’invalidité de cat.2, afin que je sois au moins reconnue à ma juste “valeur”

Restant à votre disposition, merci de bien vouloir étudier mon dossier, et d’agréer, Madame, Monsieur, mes meilleures salutations.

 

Rachel a déposé un recours devant le Tribunal du Contentieux de l’incapacité.

Nous vous incitons à faire de même, dès qu’une décision ne vous parait pas satisfaisante, ou fait grief.

Nous pouvons à l’association, vous aider à élaborer vos courriers.

*Rachel se répète en utilisant ce terme « une violence inouïe ». mais c’est exactement son ressenti.

---------------

http://fibromyalgies.fr/