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MON COMBAT CONTRE LA FYBROMYALGIE
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MON COMBAT CONTRE LA FYBROMYALGIE
  • La vie est un combat et malgré les maux, il nous faut avancer sur le chemin de notre destinée... - Attention, nous sommes ni médecins, ni thérapeutes. Vous devez absolument consulter avant de changer, arrêter ou prendre un traitement.
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2 septembre 2006

Etude des besoins et attentes en matière d'accompagnement

Extraits de l'Etude sur les besoins et les attentes en matière d’accompagnement des personnes atteintes de maladies rares
Contribution au débat public du 17 janvier 2006
Etude réalisée par Jean-Samuel Beuscart, sociologue AFM/Altao - Janvier 2006.

Document complet : http://www.alliance-maladies-rares.org/article.php3?id_article=294&id_rubrique=153

Cette étude se donne pour objectif de faire un inventaire des besoins et attentes des personnes malades atteintes de maladies rares en matière d’accompagnement.

I > Le diagnostic 

L’errance diagnostique

La phase de construction du diagnostic est inégalement longue.
Des premiers symptômes à l’identification de la maladie, il s’écoule en général entre quelques jours et quelques mois. C’est le cas le plus fréquent, d’autant plus que les maladies rares en général, et les maladies neuromusculaires en particulier, commencent à être mieux connues. Mais il peut aussi s’écouler plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années.
Ces cas d’errance diagnostique (deux personnes dans notre échantillon), voire d’absence d’identification stable de la maladie (une personne) génèrent de l’angoisse et de la culpabilité : les malades ont le sentiment d’être toujours malade sans maladie – ou pire d’une maladie psychologique, de fatigue ; ils n’ont pas d’adversaire, de maladie identifiée contre laquelle se battre.
En outre, ils n’ont pas de nom de maladie pour justifier leurs symptômes vis à vis de leur entourage. Les maladies rares sont en général mal identifiées socialement, mais l’absence de diagnostic stable aggrave l’inexistence sociale de la maladie.

L’annonce du diagnostic

Quelle que soit la durée de sa mise en place, l’annonce du diagnostic est toujours vécue comme un choc. Les métaphores qui reviennent le plus souvent sont celles du coup violent et de la condamnation : « on le prend mal » ; « on prend un coup de massue » ; « ça tombe, bam » ; « on ressort de là comme si on nous avait dit qu’on allait vous fusiller » ; « moi j’ai vécu ça comme un condamnation ». Même pour les personnes malades ou parents qui, pour calmer l’inquiétude, se sont renseignés par eux-mêmes, et s’attendent un peu au discours du médecin, l’annonce du diagnostic est un moment difficile.

Face à ces difficultés inéluctables, les personnes formulent deux demandes : une prise en compte par les médecins qui annoncent le diagnostic de l’épreuve que cela représente pour le malade et sa famille, et des formes de soutien aidant à comprendre et accepter ce diagnostic.

S’ils ne représentent pas la majorité des cas, et ont sans doute tendance à se raréfier, certains médecins font preuve, dans l’annonce du diagnostic, d’une sécheresse qui est vécue comme une absence de considération de la personne malade. « On nous annonce ça comme on nous annonce n’importe quoi » ; « on nous le dit froidement, clac ».

Si dans la plupart des cas heureusement, l’annonce n’est pas aussi brutale et irrespectueuse, elle est souvent entachée d’un malaise, de moment de flous dans le cadrage de l’interaction, d’hésitations dans la transmission de l’information. Les malades estiment que le médecin qui fait le diagnostic est parfois mal à l’aise, ne sait pas comment s’y prendre : « le médecin est plus embêté que vous. Il vous lâche ça, et il vous met dehors ».

Ils sont tentés de gérer ce malaise par l’évitement, en retardant le moment de l’annonce du diagnostic, en reportant le travail difficile sur un collègue, ou en n’évoquant pas les conséquences de la maladie.
Si les malades comprennent les difficultés des médecins, ils formulent, dans chacun des groupes, une demande claire : le droit de recevoir l’information que l’on demande.

Le débat sur l’information revient dans chacun des groupes. Les termes en sont les suivants :

->
Le malade doit avoir droit à toute l’information qu’il souhaite, sur la maladie, sur son évolution ; « le corps médical doit donner l’info à tous les gens qui sont demandeurs ». Cela permet d’en comprendre le fonctionnement, de l’accepter, de « savoir contre quoi on se bat » ; et aussi de prévoir l’avenir plus sereinement.
Cela évite en outre aux personnes malades ou à leurs proches d’aller chercher ailleurs (dans les livres ou sur Internet) une information potentiellement moins fiable et plus alarmiste.

-> D’un autre côté, dans certains cas, le malade ou les parents ont le droit d’être préservés : s’ils ne sont pas encore prêts à digérer l’information (« pas sûr que tout le monde ait envie de savoir vous aurez ça ça ça ça »), si l’invalidité ne se manifeste pas encore et permet de mener une vie sociale et professionnelle normale, etc.

Dans l’ensemble des groupes, l’accord se fait sur l’idée qu’il est tout à fait possible au médecin d’identifier les demandes des personnes en termes
d’information. Quand la demande est explicite, il n’y pas de problème. Mais même en l’absence de formulation, les participants estiment qu’ « on voit très bien quelqu’un qui est demandeur ». Il est du ressort du médecin de savoir interpréter, quand elle n’est pas complètement formulée, la demande d’information du patient.

C’est d’ailleurs ce qui ressort des récits, nombreux également, des annonces de diagnostic qui ont été bien menées. C’est alors la compréhension et la compétence humaine du médecin qui est mise en avant : « c’était un médecin très bien, qui m’a pas fait peur », « qui a bien pris le temps de m’expliquer », etc.

La déstabilisation des relations familiales et le besoin d’aide


L’annonce de la maladie rare déstabilise la personne atteinte, mais aussi son entourage. La personne qui a reçu son diagnostic doit en même temps apprendre à connaître et accepter la maladie, et l’annoncer et la faire accepter par sa famille et ses proches.

Angoisse des malades, culpabilité des parents

Les personnes malades expriment le besoin d’avoir de l’information sur la maladie, et de gérer les angoisses et les peurs liées au fait d’être atteint d’une maladie évolutive. Ils recherchent, consciemment ou non dans un premier temps, un lieu pour exprimer ces peurs, apprendre à les gérer, apprendre à gérer l’agressivité qu’elles peuvent susciter.
Les parents, quand ils découvrent le diagnostic de leur enfant, ressentent souvent un sentiment de culpabilité, lié au fait d’avoir transmis la maladie.

La déstabilisation des rapports familiaux

L’annonce de la maladie à la famille et à l’entourage proche est une épreuve difficile, qui peut fortement déstabiliser les rapports familiaux. En transformant les rapports, en instaurant des relations de dépendance présents ou à venir, la maladie vient bouleverser l’équilibre des relations familiales. En outre, comme l’exprime très bien un malade, « il y a toujours un tabou autour de la maladie. Au moment d’en discuter avec la famille, avec les proches, il y a plein de choses qui ressortent qu’on voudrait pas nécessairement voir ressortir ».

Le caractère génétique et évolutif de la maladie génère des difficultés dans les relations entre parents et enfants comme au sein de la fratrie.

Dans certains cas, la famille ne résiste pas au réflexe de rendre responsable les parents, la mère en particulier, de la maladie des enfants.

Dans d’autres cas, les parents peuvent aussi éprouver un profond sentiment d’injustice face à toutes les épreuves qu’endurent leurs enfants : « pour moi parent, ce qui est le plus intolérable, c’est l’injustice pour ce gamin qui n’y est pour rien ».

Les frères et soeurs sains expriment une culpabilité d’avoir été arbitrairement épargnés par la maladie, mais aussi, dans leur plus jeune âge, des formes de jalousie face au monopole de l’attention dont peuvent bénéficier les enfants malades.

Le soutien psychologique : faut-il un psy ?

Les malades trouvent le soutien indispensable pour faire face à ces difficultés auprès de leur entourage, auprès des associations de malades, et auprès de psychiatres et psychologues. Selon leurs situations personnelles, les rencontres, les opportunités, l’un ou l’autre est le soutien principal. Mais ces soutiens sont considérés non comme exclusifs, mais comme complémentaires.

Pour certains malades, « le meilleur soutien c’est l’entourage ». Dans les premiers temps de la maladie en particulier, certains malades ne ressentent pas le besoin de consulter un psychiatre ou psychologue, s’estimant assez forts, assez « battants », pour faire face seuls.

Réciproquement, le rôle important des proches (conjoints, parents) dans le soutien du malade fait qu’ils peuvent ressentir tout autant que le malade le besoin d’un soutien. Quand l’entourage joue le rôle d’accompagnement du malade dans cette épreuve, il exprime souvent la demande d’être lui-même accompagné.

D’autres trouvent un lieu d’échange et d’enrichissement dans les associations, qui permettent de partager ces expériences, de les relativiser, d’en vérifier la normalité. Comme le résume une malade, «l’échange entre personnes vivant une même expérience vaut une psychothérapie ».

Qu’ils y aient recours ou pas cependant, les malades et parents s’entendent sur deux points :

-> il est nécessaire de proposer aux malades et aux familles une aide, un soutien psychologique professionnel ;
-> ce soutien doit être adapté aux maladies rares et prendre en compte ses spécificités.

Plusieurs malades témoignent en effet du caractère essentiel de l’aide dans la gestion de la maladie ou de celle de leur proches : « la psy ça permet de situer les problèmes dans les relations, de savoir ce qui vient de soi et ce qui vient des autres » ; « pour ceux qui le souhaitent, il faut une aide psychologique, où on est entendu, où on peut se décharger » ; « c’est grâce à mon psy que j’ai pas disjoncté, que j’ai appris qu’on est agressif parce qu’on a peur, que j’ai appris à gérer mon agressivité ». Si certains estiment que le psy n’est pas nécessaire, tout le monde s’accorde sur le fait que, à partir du moment où la maladie est identifiée, « il faut le proposer ». Et que cette assistante psychologique doit être disponible à n’importe quel moment.

Encore faut-il que l’aide psychologique soit capable de gérer les difficultés spécifiques générées par la maladie.
Dans de nombreux cas, les personnes ont le sentiment que le psychologue ou psychiatre est incapable de gérer les spécificités de la maladie rare, voire simplement de les prendre en compte : il faut « trouver le bon psy », c’est à dire « quelqu’un qui connaît la maladie ».

Lorsque les malades décrivent « le bon psy », il s’agit de quelqu’un qui connaît la maladie, ainsi que les problèmes spécifiques des personnes atteintes de maladies évolutives et/ou transmissibles. Il permet de travailler sur la culpabilité, sur les relations avec l’entourage, de gérer les sentiments d’injustice et l’agressivité.
Pour certains, les bons psys doivent prendre en compte la maladie au point d’être « des gens qui sont capables de remettre en cause leur propre profession ».

Le suivi médical

La remarque ci-dessus vaut pour l’ensemble du corps médical : les malades attendent des médecins qu’ils soient informés sur la maladie ; et, s’ils ne le sont pas, qu’ils acceptent de s’informer, de prendre en considération la spécificité de la maladie, de se remettre en question. Ils souhaitent plus de transparence et d’équilibre dans la relation, que « le médecin accepte de dire quand il ne sait pas », et qu’à l’inverse il s’interdise de complexifier la relation, ou pire de reporter l’explication sur le malade ou son entourage.

Les parents, en particulier, estiment intolérables les discours des médecins qui conduisent, d’une façon ou d’une autre, à rejeter l’explication des symptômes inexpliqués sur les parents, leur stress, et de manière générale à les culpabiliser.

C’est le cas de ce père de famille dont l’enfant souffrait de symptômes gastriques notamment, qui n’entrent pas dans la symptomatologie ordinaire de sa maladie. La reconnaissance d’une déficience due à la maladie est bloquée par les interprétations « psychologisantes » des médecins, qui d’après les parents masquent ainsi leur impuissance.

Ces reproches faits au médecins émanent particulièrement de parents d’enfants malades, qui sont facilement rendus responsables des comportements inexpliqués de leurs enfants. Les malades eux-mêmes reprochent plutôt au médecin, le cas échéant, leur manque d’information et de bonne volonté pour s’informer sur la maladie.


II > Les relations avec les administrations : "le parcours du combatttant"

Une activité quasi-professionnelle

Pour désigner l’ensemble des démarches administratives nécessaires à la prise en charge du handicap, les malades et les parents utilisent régulièrement l’image d’un « parcours du combattant ». Dans les premiers temps de la maladie, si l’urgence ne l’exige pas, les démarches sont repoussées à plus tard. Les démarches auprès des différentes institutions (Cotorep, CPAM, CRAM, CAF, …) sont jugées extrêmement complexes. Elles exigent l’obtention, laborieuse et jamais achevée, d’une information sur ses droits, et une compréhension du fonctionnement des institutions. Elles nécessitent une certaine persévérance, voire selon certains une habileté ou un certain machiavélisme dans la gestion des relations humaines. Elles sont extrêmement consommatrices en temps.

Les malades recherchent des informations sur les prestations existantes, sur leurs droits, sur les conditions d’obtention des aides, sur les délais de traitement des dossiers, etc. Cette information n’est, la plupart du temps, pas disponible, et en tous cas pas en un seul lieu. « L’information, faut aller la chercher » ; « si vous ne demandez pas, vous n’aurez rien ! ». Ni le médecin, ni l’assistante sociale ne sont en mesure des les fournir.
Une malade déplore par exemple que son « assistante sociale, elle sait pas si on peut cumuler le travail et l’invalidité ; elles savent jamais, c’est l’angoisse permanente, en plus de la maladie ». Dans deux des groupes, des débats ont lieu autour de la question de savoir s’il faudrait que l’un ou l’autre de ces agents centralise l’information. Une partie des malades ont fini par trouver cette information auprès des associations de malades ; mais ils n’ont en général connaissance de l’existence des associations, ou la volonté de les rejoindre, qu’au bout d’un certain temps. Dans le meilleur des cas, ils ont été aiguillés dans cette direction par le médecin. Et même dans ce cas, l’information reste toujours incertaine : à chaque fois que nous avons abordé ces sujets, des discussions annexes ont germé sur les compétences de tel ou tel organisme, les personnes profitant de la réunion pour compléter leur information.

Cette information ne suffit pas, en général, à obtenir les prestations. Certains dossiers de demandes de prestations sont extrêmement complexes à remplir. Comme le fait remarquer un participant, « lorsqu’on est handicapé, il faudrait avoir une formation de juriste ». Les malades expriment alors soit leur chance d’avoir fait des études suffisamment poussées pour ne pas être découragés par ces dossiers, soit le besoin de trouver une aide administrative et juridique auprès de proches, d’une assistante sociale compétente, ou des associations de malades.

En plus d’être complexes techniquement, les demandes d’aide prennent énormément de temps. En particulier, les premières démarches auprès de l’ensemble des organismes, qui suivent le diagnostic et initient la prise en charge médicale et sociale, sont considérées comme un travail proche du temps plein.

« Rentrer dans les cases »

Ces épreuves administratives sont également difficiles parce qu’elles obligent à revenir constamment sur la maladie, à l’expliquer, la justifier, etc. ; « c’est lourd, on vous met toujours votre maladie devant les yeux ». Du coup, la suspicion, le caractère tatillon des organismes de contrôle et d’évaluation des dossiers sont parfois très mal vécus. La Cotorep, en particulier, est l’objet de qualificatifs peu amènes : «l’horreur», «le gendarme», « le juge de notre état », etc. Devant l’obligation constante de justification, plusieurs disent « avoir l’impression de mendier ».

La logique bureaucratique de ces institutions est source de répétitions et d’absurdités. Les malades ou leurs parents ont l’impression de répéter à l’infini leur histoire, les spécificités de leur maladie, de son évolution, etc. «Il y a jamais de transmission» ; « même dans un établissement scolaire, c’est moi qui fait passer l’info d’un bureau à l’autre » ; « on passe notre temps à perdre du temps avec des gens qui ne connaissent pas notre situation ».
Une des absurdités les plus flagrantes du système d’aide, régulièrement mise en avant, avec humour ou exaspération selon les cas, est l’obligation pour les parents d’un enfant handicapé de remplir un nouveau dossier pour l’AES tous les deux ans : dans le cas d’une maladie génétique incurable et évolutive, il est en effet paradoxal de demander tous les deux ans si l’enfant est toujours malade, d’autant plus que le dossier à remplir est extrêmement lourd. « Mon fils il est myopathe, ben deux ans après il est toujours myopathe » ; « c’est vrai que pour les maladies dégénératives, à moins d’un miracle, c’est la même chose (rires) ; et pourtant, on doit remplir le dossier AES tous les deux ans… ». De manière générale, les malades déplorent l’incapacité des institutions à adapter leurs règles bureaucratiques aux spécificités, au moins les plus
évidentes, des maladies rares.

Cette contradiction entre le fonctionnement bureaucratique des institutions et les spécificités des maladies rares est omniprésente. Les personnes malades utilisent toujours la même expression pour la désigner : « on rentre pas dans les cases ». Souvent, leur cas ne peut être traité par le fonctionnement ordinaire de l’institution, et le traitement de leur dossier se trouve bloqué.

Du coup, l’avancement des dossiers dépend d’éléments qui n’ont guère à voir avec l’égalité de traitement : de la persévérance des personnes, de l’action de l’assistante sociale, de l’intervention d’une association, de la personnalité des employés au guichet. Les malades sont unanimes sur ce point : pour obtenir les aides dans des délais raisonnables, il est nécessaire de mettre en place les bonnes stratégies et/ou de se faire aider.

La réussite du « parcours du combattant » nécessite des compétences personnelles, qui ne sont pas uniformément réparties, et le soutien d’intervenants extérieurs. Mais elle dépendent aussi d’autres facteurs, sur lesquels il est difficile d’agir : les interactions personnelles avec les employés, la situation géographique et l’ambiance locale des institutions, etc. Au final, c’est un système doté d’une part importante d’arbitraire qui est décrit.

Pour faire face à ces difficultés, les personnes préconisent plusieurs solutions, et divergent sur les pistes d’action prioritaires. Pour certains, il faut avant tout renforcer la prise en compte des maladies rares par la loi, afin de pouvoir contraindre les institutions récalcitrantes quel que soit le lieu et le contexte. Pour d’autres, la loi est souvent impuissante face à la mauvaise volonté des individus, et il vaut mieux sensibiliser les gens aux problèmes des maladies rares, et apprendre à exposer sa situation. Pour tous, il est nécessaire que les personnes soient soutenues dans leurs démarches, que ce soit par des professionnels ou des associations.

Temps bureaucratique et temps de la maladie


Au-delà de ces dysfonctionnements, on observe dans certaines situations un décalage entre la temporalité de la maladie et la temporalité des institutions. C’est particulièrement le cas lorsque la situation des personnes atteintes de maladies évolutives se dégrade : en général, leurs nouveaux besoins, à moins d’avoir été très bien anticipés, ce qui n’est pas toujours possible, ne sont pris en compte qu’avec retard par les prestataires d’aides techniques. Mais c’est aussi le cas, par exemple, lors de déménagements.

Encore une fois, selon leur expérience et leurs interlocuteurs, les malades ont plus ou moins à souffrir de cette lenteur. Dans un des groupes, la discussion se poursuit au-delà du constat du décalage, et imagine un système de prêt temporaire de matériel (fauteuil, rampes télescopiques, voitures aménagées) qui permettrait de compenser, sans surcoût trop important pour le système, les délais dans les cas d’évolution de la maladie.

Le coût du handicap et la fragilisation financière

En définitive, de nombreux malades estiment que, malgré les aides, et en raison de l’incertitude qui pèse sur leur obtention, le handicap représente un surcoût important, et induit un risque de fragilisation financière.
Celle-ci peut être perçue comme particulièrement scandaleuse ; dans l’un des groupes, on évoque une « double peine » de la maladie et de la fragilisation financière.

Chez ces personnes, l’angoisse liée à la maladie se double d’une angoisse liée à la situation économique. Les participants échappent à cette fragilisation, du fait du mode de sélection des groupes ; ils n’échappent en revanche pas tous à l’angoisse liée à l’évolution de la maladie et à l’incertitude sur l’obtention des aides. Plusieurs remarquent avec humour qu’ils se porteraient bien mieux s’ils avaient eu un accident du travail plutôt qu’une maladie. Dans l’ensemble, le surcoût du handicap accroît la fragilité des personnes et leur sentiment d’être constamment dans « la démerde », le « système D ».

III > Trois situations

Cas n°1 : La scolarisation des enfants handicapés

Les discussions sur ce point commencent toujours par réaffirmer un postulat : le souhait intangible des familles que leurs enfants aient, dans la mesure du possible, une scolarité normale dans une école normale. Cette volonté se heurte souvent aux réticences du personnel scolaire, qui ne s’estime pas compétent pour accueillir ces enfants et qui craint que les enfants handicapés ne perturbent l’ordre scolaire. Au-delà de ces réticences, les parents ont parfois l’impression que c’est l’ensemble du système qui se mobilise contre la scolarisation normale de leurs enfants. C’est notamment le cas lorsque les enfants handicapés sont « signalés » d’une institution à l’autre, ce qui permet aux acteurs scolaires de préparer un discours de justification du refus. En définitive, malgré l’obligation légale, les parents ont l’impression que la bonne scolarisation de leurs enfants dépend avant tout de la bonne volonté des individus, des directeurs d’école en particulier.

Ce signalement, qui fait que les parents arrivent face à des acteurs au discours tout préparé et avec une solution clé en main, est évoqué par trois parents dans les différents groupes. Les parents de deux enfants handicapés s’entendent ainsi expliquer, le jour de l’inscription, qu’il n’est pas possible de mettre les deux enfants dans le même établissement, et qu’il faut que l’un des enfants aille dans tel autre établissement prêt à l’accueillir. N’ayant d’autre solution que d’accepter, les parents se trouvent confrontés à des difficultés de transport supplémentaires.

On retrouve pour ces démarches une forte diversité des situations et des traitements selon les lieux et les personnes, qui font que les mêmes individus témoignent à la fois de « blocages » et de « très bonnes expériences ».

Cas n°2 : L’aide à l’autonomie des personnes vivant à domicile

Les personnes en situation de handicap expriment leur souhait de rester autonomes autant que possible et aussi longtemps que possible. Cela englobe le fait de pouvoir vivre dans son domicile, mais aussi le fait de ne pas être trop dépendant d’une autre personne, qu’il s’agisse de l’entourage ou d’un(e) auxiliaire de vie. Sans que l’on dispose de suffisamment de données pour étayer cette hypothèse, les personnes malades semblent avoir suivi le même itinéraire.

Dans un premier temps, elles ne recourent pas aux aides techniques, puis ils s’y convertissent : « les aides, on les refuse tous au départ ; mais il faut pas hésiter à passer le cap ». Le même mécanisme se reproduit ensuite si la maladie évolue et que la nécessité d’une prise en charge par une auxiliaire de vie se fait sentir.

L’obtention d’aides techniques, sous forme de matériel (fauteuil en particulier) et d’aménagements du domicile, est indispensable à la poursuite de cet objectif d’autonomie. Les malades qui ont été témoins des évolutions du matériel apprécient fortement son évolution.

Cette vie autonome a une contrepartie, pour les personnes vivant seules en particulier : l’angoisse de tomber, d’avoir un accident et de ne pas pouvoir se relever. Certaines discutent d’un système possible d’alerte permettant de conjurer cette angoisse.

Pour assurer cette autonomie, les personnes recourent à des aides leur permettant d’obtenir des fauteuils qui accroissent leur mobilité, et d’adapter leur domicile au fauteuil et au spécificité de leur handicap, par l’intervention d’un ergothérapeute notamment. Comme tous les systèmes d’attribution d’aide, leur efficacité apparaît variable selon les lieux et les ressources des personnes. Certains malades relatent des expériences extrêmement positives, dans lesquelles le nouveau fauteuil est obtenu au bout d’un mois, l’aménagement de la maison et son financement au bout de deux mois ; d’autres des expériences très négatives, de délais considérables entre la manifestation du besoin et l’obtention d’une solution, d’échecs à obtenir le financement suffisant des aménagements nécessaires. En outre, les administrations qui attribuent ces aides ne sont pas exemptes d’absurdités.

Ils peuvent aussi bénéficier de l’aide à domicile d’auxiliaires de vie ou de femmes de ménage. La présence d’une auxiliaire de vie est de manière générale considérée par les malades comme un gain d’autonomie, « comme la possibilité de refaire des choses qu’on ne faisait plus » ; et par les proches comme un soulagement. En revanche, l’ensemble de ceux qui en bénéficient s’accordent sur le fait que « ça coûte très cher », et que ce n’est en général que partiellement couvert par les allocations dont ils disposent. Le soulagement apporté par l’auxiliaire de vie est donc vécu comme un luxe que certains peuvent se permettre et d’autres non, ou comme une chance liée à la façon dont le dossier d’allocation a été traité, à la générosité ponctuelle des organismes : « ça revient cher ; pour l’instant c’est payé, mais on sait pas ce que ça va donner ».

Cas n°3 : l’obtention d’une place dans un établissement adapté

Lorsqu’ils cherchent une place dans un établissement de prise en charge pour des malades lourdement handicapés, les parents se heurtent à deux difficultés. La première, qui n’est pas spécifique aux maladies rares, est le manque de places disponibles et les files d’attentes. La seconde est plus spécifique : il n’existe souvent pas d’institution adaptée à la prise en charge de la maladie. « Quand on a une maladie rare et que la Cotorep décide, eh bien ça correspond pas. La maladie regroupe plusieurs symptômes, et souvent les instituts sont spécialisés dans un domaine ».

De ce fait, les familles se heurtent soit au refus des institutions, soit au fait que l’établissement et son personnel ne sont pas en mesure de prendre en charge les spécificités de la maladie.

D’autres évoquent alternativement le « manque de formation » ou le « manque de conscience professionnelle » du personnel des établissements, qui ne sait pas ou refuse – selon les interprétations – de prendre en charge les spécificités des maladies rares. Une mère évoque ainsi le fait qu’elle doit régulièrement nettoyer elle-même la gastrotomie de son fils, et qu’elle a du montrer aux aides-soignantes la manière de procéder ; une malade évoque dans le même registre ses déboires avec le personnel d’un centre où elle passe plusieurs semaines par an, qui « ne sait pas la laver » et dont une auxiliaire de vie lui a cassé l’épaule.

Dans deux des groupes, un débat s’engage sur la question de savoir si ces problèmes sont liés à un manque de formation du personnel, ou plutôt à un manque d’humanité ou de conscience professionnelle.

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