CANCER DU SEIN
Face aux polémiques autour du dépistage, que diriez-vous aux femmes pour qu’elles y voient plus clair ?
Anne Tardivon : De nombreuses études internationales ont évalué l'impact en termes de santé publique des mammographies de dépistage. Elles ont comparé la mortalité de femmes bénéficiant d'un dépistage par mammographie à celle d'une population témoin. L’interprétation de ces études repose sur des analyses statistiques complexes dont les résultats varient selon la durée de temps considérée, la population étudiée et l’estimation de paramètres pour le groupe non dépisté (incidence du cancer, mortalité hors cancer…). D’où des résultats parfois contradictoires.
Les derniers résultats se basant sur les programmes de dépistage en cours, dont certains ont plus de 20 ans d’existence, (et non plus sur des analyses reprenant les données d’essais randomisés effectués dans les années 60-80) montrent un bénéfice du dépistage. Au vu de ces résultats, nous ne pouvons qu’inciter les femmes à participer au dépistage : un cancer diagnostiqué précocement est en effet plus facilement guéri.
Quant est-il des risques de surdiagnostic et de surtraitement associés au dépistage ?
A.T. : Tout d’abord quelques précisions sur les termes.
>> Les faux positifs du dépistage sont des images mammographiques suspectes qui nécessitent des investigations complémentaires d’imagerie, voire parfois un prélèvement au niveau du sein, et qui se révèlent être des lésions bénignes. Le taux estimé de faux positifs dans les études européennes est estimé à 17 % pour des femmes dépistées pendant 20 ans.
>>Quant au surdiagnostic, il s’agit d’un cancer détecté par mammographie, d’évolution très lente, qui n’aurait pas fait parler de lui du vivant de la femme. Ainsi, le fait de le détecter n’entraîne aucun bénéfice de survie pour la femme. Le taux estimé de surdiagnostic dans les études européennes est de 6,5 %.
>> La controverse cible principalement les cancers in situ dont le nombre aurait flambé depuis le dépistage organisé. Ceci est faux, le taux des cancersin situ est stable dans le dépistage français (14,5 % de tous les cancers du sein). Dans l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de déterminer l’agressivité d’un cancer de petite taille. Ainsi ces cancers sont traités. On parle alors de sur-traitement.
Les faux positifs et le surdiagnostic sont inévitables dans tout programme de dépistage. Les femmes doivent en être informées.
Les recherches se poursuivent pour découvrir des marqueurs susceptibles d’identifier les risques d’évolution associés à chaque cancer.
Il n’en reste pas moins vrai que la taille du cancer reste un élément pronostique important et si les progrès thérapeutiques des dernières années ont amélioré la survie à 10 ans des cancers agressifs, les détecter à un stade précoce permet de faire des traitements moins lourds.
En conclusion, il ne faut pas oublier que l’on estime que sur 1000 femmes dépistées durant 20 ans (10 mammographies tous les 2 ans de 50 à 69 ans et suivies jusqu’à l’âge 79 ans), 7 à 9 vies seront sauvées.