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MON COMBAT CONTRE LA FYBROMYALGIE
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MON COMBAT CONTRE LA FYBROMYALGIE
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7 octobre 2008

Alcool et violence

Alcool et violence: un lien jusqu'où?

Des chercheurs grenoblois viennent de démontrer que l'état éthylique n'est pas toujours à l'origine de comportements agressifs. Présentée ce vendredi au ministère de la Santé, cette étude bouscule les dogmes de la psychologie du buveur. Explications, avec Laurent Bègue, son principal auteur.

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse! C'est le résultat surprenant d'une étude de chercheurs grenoblois sur la violence et l'alcoolisme, qui montre que les comportements agressifs souvent manifestés par les buveurs ne sont pas liés à la quantité de spiritueux qu'ils ont ingurgitée, mais à celle qu'ils croient avoir consommée. En d'autres termes, l'alcool aurait un puissant effet d'autosuggestion capable d'enivrer un buveur alors qu'il est à jeun! Aussi étonnant par ses résultats que par la façon dont ils ont été obtenus (en plaçant des cobayes humains dans une situation mise en scène de toutes pièces), ce travail remet en question les dogmes établis en matière de délinquance et de prévention. Publié dans le Journal of Experimental Social Psychology, il est évoqué ce vendredi 19 septembre au ministère de la Santé lors de la présentation d'une enquête épidémiologique sur l'alcool et la violence.

"On sait depuis longtemps que les comportements des alcooliques sont fortement influencés par les stéréotypes sociaux et culturels, mais c'est la première fois qu'on met scientifiquement en évidence l'importance de ces facteurs", explique le responsable de l'étude, Laurent Bègue, professeur de psychologie à l'université de Grenoble et chercheur à l'Institut universitaire de France.

L'attitude agressive n'est pas liée à la quantité d'alcool ingurgitée, mais à celle qu'on croit avoir consommée.

De tous les psychotropes, l'alcool est en effet la substance la plus souvent impliquée dans les actes criminels: 60 % des auteurs de crimes violents avaient consommé de l'alcool au moment des faits, selon des statistiques internationales établies à partir de dossiers judiciaires de 11 pays. Pourtant, on connaît encore très mal la cause de cette agressivité éthylique, qui s'exprime différemment selon les individus et les situations, et n'est pas automatique: certains buveurs se montrent violents, d'autres joviaux et altruistes. Les spécialistes s'opposent: les uns expliquent l'agressivité alcoolique par la substance elle-même: l'éthanol modifierait le fonctionnement des neurotransmetteurs dans le cerveau, entraînant la réponse agressive. D'autres réfutent tout effet pharmacologique, et sont persuadés que l'ébriété n'est qu'un "paravent social", permettant de justifier des comportements aberrants.

Pour trancher le débat, Laurent Bègue a voulu mesurer l'impact de l'alcool sur le comportement, en utilisant le protocole classique du "double aveugle", où l'on administre à des volontaires séparés en deux groupes le produit actif à tester et un placebo. Il a pour cela mis au point une expérience aussi audacieuse que délicate au point de vue éthique. Elle consistait à observer les réactions de cobayes plus ou moins imbibés, placés dans une situation fictive: ils se retrouvaient agressés verbalement par un inconnu et avaient ensuite la possibilité de se venger, en versant des épices dans un plat que celui-ci devait ingurgiter...

Au menu, une boisson inconnue et du piment dans la purée

117 hommes de 18 à 44 ans de la région de Grenoble ont été recrutés par le biais d'une petite annonce parue dans le quotidien local. Les participants, payés 14 euros l'heure et sélectionnés après un questionnaire médical et psychologique, étaient convoqués dans les bureaux imaginaires de Stat-Aliments, loués pour l'occasion par les chercheurs. On leur expliquait qu'ils allaient boire, avant une dégustation de purée, trois verres d'un liquide indéfini au goût "Canada Dry" ne permettant pas de distinguer la présence ou l'absence d'alcool. Les uns étaient informés que le breuvage contenait l'équivalent de plusieurs mesures de vodka, d'autres qu'ils buvaient un simple jus de fruit. Certains croyaient être en état d'ébriété mais ne l'étaient pas, et vice versa.

Puis on leur présentait trois assiettes de purée: l'une qu'il s'agissait d'assaisonner à son goût à l'aide de sachets de sel et de Tabasco, la seconde, préparée par le participant précédent, qu'il fallait manger sous peine de voir réduit son salaire d'une vingtaine d'euros, et enfin une troisième destinée à être mangée par le cobaye suivant. Pendant la séance, un acteur se faisant passer pour un volontaire provoquait verbalement le sujet:
Le sujet avait ensuite l'occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce en pimentant son plat. On a mesuré ainsi le degré d'agressivité de chaque participant en comptant le nombre de doses de Tabasco et de sel utilisées. Certains ont versé jusqu'à 55 dosettes de piment...

Le dépouillement des données montre la corrélation entre la dose d'alcool que les volontaires croyaient avoir prise et le nombre de sachets de piment et de sel. En revanche, la quantité d'alcool réellement consommée ne détermine pas l'intensité de l'agression: ceux qui étaient ivres n'étaient pas les plus violents.

"L'expérience a duré plus d'un mois et n'a pas été facile, confie le chercheur grenoblois: l'acteur chargé de jouer le rôle du provocateur a été physiquement agressé, et je me souviens avoir moi-même essuyé le vomi d'un participant...» Des précautions avaient pourtant été prises. Les cobayes devaient passer une visite médicale, leurs effets personnels et leurs clefs étaient placés sous séquestre jusqu'à ce qu'ils soient dégrisés. Le comité d'éthique de l'hôpital de Grenoble a donné son accord après quelques aménagements du protocole. Les alcooliques ont été écartés, ainsi que les femmes. L'étude a été financée par l'université ainsi que par l'Ireb (Institut de recherches scientifiques sur les boissons), fondé par Pernod Ricard et d'autres alcooliers, et par les laboratoires Merck, qui commercialisent un médicament pour le sevrage alcoolique.

Questions sur les agressions

L'étude des chercheurs grenoblois n'est pas la seule sur le sujet. Ce 19 septembre sont aussi présentés par le ministère de la Santé les résultats de la première enquête épidémiologique française consacrée au lien alcool-violence dans la population. Réalisée par la Direction générale de la santé pilotée par Laurent Bègue, sur un échantillon de 2019 personnes de 18 à 65 ans vivant en Ile-de-France et dans le Nord qui ont répondu à un questionnaire sur ordinateur, elle visait à mieux connaître les habitudes de consommation et les représentations de l'alcool chez les auteurs et les victimes d'agression. Elle montre que la boisson est impliquée dans :

40 % des bagarres dans les lieux publics ;

35 % des agressions familiales (en général, violences contre les femmes) ;

32 % des actes de délinquance (vandalisme, destructions) ;

20 % des vols.

En outre, 6 % des personnes interrogées déclarent devenir agressives lorsqu'elles ont bu, et 27 % ont été témoin dans leur enfance de disputes ou de violences entre leurs parents, liées à l'alcool.

Une répression accrue

La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance a alourdi les peines pour les infractions "commises sous l'emprise manifeste d'un produit stupéfiant ou en état d'ivresse manifeste". Elle a également introduit une notion de "circonstance aggravante" pour les infractions commises sous l'emprise de l'alcool, en inversant le raisonnement qui jusque-là avait tendance à exonérer partiellement les auteurs de délits en état d'ébriété au moment des faits. Certains pays, comme le Nicaragua, continuent d'accorder dans leur Code pénal des circonstances atténuantes aux criminels alcooliques (en Italie, c'est encore le cas lorsque l'ivresse n'est pas habituelle). Mais la quasi-totalité des tribunaux des pays occidentaux récusent désormais la notion "d'excuse alcoolique".

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