Pesticides aux Antilles: politique de l’autruche ?
Pesticides aux Antilles: politique de l’autruche ?
Rebondissement dans l’affaire des pesticides organochlorés
Qui croire ? Le rapport du cancérologue Dominique Belpomme a lancé un pavé dans la marre en déclarant de « catastrophique » l’état sanitaire des Antilles. Alors que les autorités sanitaires ont déclaré mardi dans un communiqué qu’« à ce jour aucun lien n’a été démontré entre l’exposition aux pesticides aux Antilles et les observations sanitaires qui y ont été effectuées », les élus antillais exigent la vérité.
Le Ministre de l’Agriculture
Michel Barnier avait fait part en début de semaine de ses inquiétudes
sur l’importance des risques sanitaires dus à l’utilisation intensive
des pesticides aux Antilles pour les plantations de bananes. Depuis la
mise sur le marché des pesticides de la famille des organochlorés dans
les années cinquante, la culture de la banane avait bénéficié des
progrès en matière de produits phytosanitaires et de l’utilisation
massive du chlordécone appartenant à cette famille. Cependant, dès
1969, l’identification des risques potentiels sanitaires sur la
population locale avaient entraîné des restrictions puis le retrait
définitif de ce pesticide. Depuis 1993, il est interdit d’utiliser le
chlordécone aux Antilles. Cependant, même s’il n’est plus
commercialisé, ce produit est encore présent dans le sol et l’eau. Les
antillais seraient donc encore exposés et l’Agence française de
sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a donné, dans un communiqué
daté de lundi dernier, une série de recommandations, concernant la
consommation de certains aliments issus de la pêche, de légumes racines
cultivés près des zones à risques et de certains fruits comme la
banane.
Cependant, le rapport remis à l’Assemblée Nationale lundi dernier par
le Docteur Dominique Belpomme, cancérologue, évoque « un désastre
sanitaires aux Antilles », parlant d’un « véritable empoisonnement ».
Des propos alarmistes que l’Institut de Veille Sanitaire a tenu à
nuancer dans un communiqué paru mardi. Son directeur général, Gilles
Brücker a fait savoir que la population reste exposée, que « les
conséquences seraient à suivre et mesurer » mais qu’ « il n’y a pas de
catastrophe sanitaire ». Les Antilles se situent au deuxième rang
mondial des malades du cancer de la prostate. Même si Dominique
Belpomme reconnaît que les scientifiques n’ont pas encore la preuve que
les cancers sont directement liés au chlordécone, selon lui, les
cancers et d’autres nombreuses maladies seraient liés à la présence de
chlordécone sur les îles antillaises.
Devant ce dialogue de sourd,
les élus antillais exigent une expertise scientifique afin que des
mesures de politique sanitaires puissent être, si besoin, prises en
conséquences. Le socialiste Victorin Lunel, député et président du
Conseil Régional de Guadeloupe, a demandé la mise en place d’une
commission d’enquête parlementaire pour que l’affaire ne soit pas
étouffée. Le cancérologue Dominique Belpomme se défend de tenir des
propos alarmistes mais condamne une « politique de l’autruche ». Les
élus antillais, quand à eux, expriment leur crainte d’une
stigmatisation des Antilles en une terre contaminée. Serge Letchimy,
député apparenté socialiste de la Martinique ne souhaite pas que son
île « passe pour une terre infréquentable ».
L’Institut de Veille Sanitaire chargé de surveiller l’état de santé de la population française a précisé dans son communiqué, qu’ « à ce jour, aucun lien n’a été démontré entre l’exposition aux pesticides aux Antilles et les observations sanitaires qui y ont été effectuées ». Finalement, la contamination de l’environnement aux Antilles est importante mais ne date pas d’hier. D'autres investigations seront nécessaires pour savoir quelle répercussions précises cette pollution a sur la santé des antillais. Et pour enfin connaitre le fin mot de l'histoire...
@ Céline Soleille