les patients ayant pris du Viracept
Les autorités sanitaires ont
décidé de retrouver tous les patients ayant pris du Viracept, un
médicament contre le sida dont certains lots ont été contaminés par un
produit toxique.
EN JUIN dernier, la firme pharmaceutique Roche est alertée par un
malade prenant du Viracept (un antiviral contre le virus du sida) et
trouvant que le médicament a une odeur inhabituelle. Des analyses sont
alors effectuées et une substance hautement toxique, l'éthyle mésylate,
est mise en évidence dans les comprimés concernés. Depuis, le Viracept
a été retiré du marché européen et une enquête est en cours. L'Agence
de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a demandé la
semaine dernière à tous les praticiens de retrouver toutes les
personnes ayant pris ce médicament depuis 1998, pour permettre si
nécessaire « d'assurer un suivi spécifique adapté à chaque patient, en fonction des données complémentaires disponibles en fin d'année ».
Cette contamination par l'éthyle mésylate est d'autant plus difficile à
gérer qu'un grand nombre d'incertitudes pèse sur cette affaire : le
nombre de personnes concernées reste inconnu, tout comme le niveau des
doses toxiques absorbées, ou encore les effets sur l'homme de cet
éthyle mésylate et les éventuelles complications pour les femmes
enceintes ayant reçu ce produit.
Les analyses menées par la firme Roche ont dans un premier temps montré
que les lots les plus contaminés avaient été produits en mars 2007
avant d'être distribués dans plusieurs pays d'Europe, dont la France où
1 500 boîtes ont été mises sur le marché. Au sein de ces lots, la
contamination serait de l'ordre de 2 300 parties pour un million, alors
que la norme internationale est de l'ordre moins d'une partie par
million. Roche après avoir mené des analyses rétrospectives a découvert
fin juin que d'autres lots de Viracept avaient été contaminés depuis
1998, date de la mise sur le marché européen du médicament, mais à un
moindre niveau.
L'éthyle mésylate est une impureté chimique connue pour être
génotoxique, cancérigène et tératogène chez l'animal. En particulier,
cette substance est capable de déclencher à fortes doses chez le rat
des cancers du sein et du rein. Mais chez l'homme, les données
toxicologiques sont très pauvres. Personne n'est capable de décrire les
effets de cette molécule. Par ailleurs, il a été démontré un effet
tératogène chez les nouveau-nés de rates ayant été soumises à ce
produit toxique pendant la gestation. Mais l'impact sur la femme
enceinte est là encore totalement inconnu.
Défaut de procédure
L'extrapolation de données animales à l'homme est parfois hasardeuse. « Les données toxicologiques actuellement disponibles ne permettent pas une analyse du risque potentiel pour l'homme, reconnaît l'Afssaps. Il
n'est donc pas possible à ce jour de définir le niveau de risque de
cette exposition, ni d'identifier les éventuels organes cibles de la
toxicité. » De nouvelles analyses toxicologiques sont en
passe d'être réalisées chez l'animal, ainsi que sur cultures de
cellules par la firme Roche. Un suivi épidémiologique des patients
concernés devrait permettre aussi de mieux établir les conséquences de
cette contamination liée à un défaut de procédure lors de la
fabrication du médicament.
La loi de mars 2002 impose aux autorités sanitaires de rappeler tous
les patients qui auraient été soumis à leur insu à un risque sanitaire
découvert a posteriori. C'est donc dans ce contexte législatif que
l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé a écrit le
17 juillet dernier à tous les praticiens pour identifier l'ensemble des
personnes traitées et les enfants exposés in utero depuis 1998. « Nous sommes préoccupés, explique le docteur Anne Castot (Afssaps), car
nous sommes face à quelque chose que l'on ne connaît pas, que l'on
n'est pas en mesure de quantifier, de mesurer, d'évaluer. Il est
possible que les doses absorbées par les patients soient au-dessous des
doses-seuil toxiques, mais nous n'en avons pas la certitude. »
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