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MON COMBAT CONTRE LA FYBROMYALGIE
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MON COMBAT CONTRE LA FYBROMYALGIE
  • La vie est un combat et malgré les maux, il nous faut avancer sur le chemin de notre destinée... - Attention, nous sommes ni médecins, ni thérapeutes. Vous devez absolument consulter avant de changer, arrêter ou prendre un traitement.
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18 septembre 2006

Sortir de l’enfer de l’alcool

Quand la bouteille s’en mêle, c’est toute la famille qui trinque. A Savièse (VS), parcours d’un homme qui a failli sombrer. Mais qui a survécu à la maladie de l’alcoolisme. Témoignage.

Ils sont allés fêter au resto leurs quinze ans de mariage. Germaine et Jean-Bernard Héritier. Elle, douce, enveloppante comme une eau fleurie. Lui, 44 ans, tout en noir, véritable roc saviésan, 90 kg de présence joviale. Ils ont trinqué. Elle avec un verre de vin et lui avec de l’eau.

C’est comme ça: depuis 1993, il ne touche plus une goutte d’alcool. Abstinent en ces terres valaisannes enracinées dans la culture du vin, parfaitement sobre au milieu des vignes, dans ce quartier familial, où tout le monde se connaît et où tout le monde est encaveur.

Sans fausse pudeur

Il a fermé le bouchon, définitivement. Après des années de bagarre avec l’alcool. Avec lui-même. A cogner partout, sur les autres, sur des tambours, et dans le vide. Il en parle comme il écrit dans son livre: sans fausse pudeur, avec les tripes et la joie vraie d’un ressuscité.

Il raconte tout, sa première cuite à 16 ans, son goût de la foire, les copains, une timidité noyée au fond des verres. «A 20 ans, je supportais déjà de grosses quantités d’alcool. J’étais rarement malade et j’avais besoin de peu de sommeil.»

Très vite, les occasions de boire se sont multipliées. Des week-ends arrosés, il glisse à la cuite quotidienne. Une lente descente dans la dépendance, dont personne ne s’aperçoit. Même pas lui. Un long tunnel, «où tu ne te rends pas compte que tu deviens abruti». Quand il se marie en 1991, c’est l’embellie, avec la naissance de leur premier enfant. Quelques mois de répit.

La douleur de l’épouse

Mais la bouteille n’est jamais loin. Sa femme commence à sentir le problème, mais sans mettre le doigt sur l’alcool: «Pour moi, l’alcoolique, c’était une loque, couchée par terre, incapable de rien faire. Je ne savais pas que l’alcoolisme pouvait avoir plusieurs formes.»

Lui, il continue d’aller au boulot, de tenir sa casquette de contremaître sur les chantiers. Mais il rentre de plus en plus souvent l’haleine trouble, le regard ailleurs, chancelant d’agressivité. «On ne pouvait plus parler de rien. Il critiquait tout. J’ai eu peur, je n’osais plus le laisser seul avec notre fils, je n’avais plus confiance», se souvient Germaine Héritier. Lui dire qu’il boit trop, mettre des ultimatums? Inutile. Il dégaine toujours la même réponse: «Je n’ai tué personne.»

Jusqu’à 15 litres par jour

En 1993, le couple vit l’enfer. Bières, vin tiré au tonneau de la cave. «Je me levais et je buvais trois litres. En cinq minutes, c’était dans l’estomac!» Au pire de sa maladie, Jean-Bernard Héritier pouvait avaler jusqu’à quinze litres par jour. Masse d’homme accrochée à son goulot comme à une bouée. Boire et dormir. Rien d’autre. «Je ne me levais même plus pour manger. Je ne me réveillais que quand j’étais en manque. Et puis, un état dépressif s’installe. On boit pour oublier qu’on va mal.»

Germaine Héritier, comme la plupart des codépendants, protège alors son mari, joue les saint-bernard: «Oui, je l’ai couvert. Il m’est arrivé d’appeler son patron pour dire qu’il était malade. Je pensais bien faire.» Jamais, elle n’a appelé à l’aide.

L’alcool, comme une pierre, qui tire tout le monde au fond. En silence et dans la honte.

Jusqu’au jour, où il a commencé à «voir passer des bêtes». Départ pour l’hôpital psychiatrique et quatre semaines de sevrage, de souffrance physique. «L’alcool m’avait démoli, plus rien ne fonctionnait. Mon corps ne supportait même plus l’eau, tout ressortait.» Mais, peu à peu, il se remet. Accepte un séjour à la Villa Flora à Sierre, institution spécialisée dans les dépendances. Pour cinq semaines. «On nous a appris à faire le deuil de l’alcool. A vivre sans.»

Une nouvelle vie commence

Quand il sort, le 11 janvier 1994, il sait qu’il a changé. Qu’il doit changer encore. «Au début, je m’étais mis un paquet d’interdits.» Finis les boîtes de nuit, les bars, les apéros. Même la fondue, il la prépare sans vin blanc.

Il s’est engagé en politique, s’est mis à la randonnée en montagne plusieurs fois par semaine. «Au début, il ramassait des fleurs en marchant. On en faisait des infusions», sourit son épouse. Pour elle, c’était presqu’un étranger qu’elle retrouvait à ses côtés: «Il a fallu nous réajuster l’un à l’autre, retrouver un lien. Mais ça nous a fait grandir ensemble.» Nouveau départ avec deux nouveaux garçons.

Guéri? «Non. J’aurai toujours cette maladie, mais je l’assume et je ne m’en cache pas.» Il a gardé ses passions intactes, le rock bourru, Johnny Hallyday. Les mêmes goûts, mais plus le même homme. Comme un dur à cuire qui aurait accepté ses failles ou un écorché qui aurait trouvé sa force.

Patricia Brambilla, Photo Pierre-Antoine Grisoni/Strates

A lire: «Un séjour en enfer»
de Jean-Bernard Héritier, Ed. Monographic 2002.

Séjour en Enfer

Fr. 9.90 / € 6.60

Commander un livre

Où s’adresser?

ISPA, Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies à Lausanne.
Tél: 021 321 29 11.

www.sfa-ispa.ch

Fondation Les Oliviers, Mont-sur-Lausanne. Institution pour personnes concernées par les problèmes d’alcool et autres dépendances.
Tél. 021 654 02 20.

www.oliviers.ch

Association Villa Flora à Sierre.
Centre de traitement de l’alcoolisme et structure d’accueil pour les personnes en situation de co-dépendance.
Tél. 027 455 75 51.

www.infoset.ch/inst/villa_flora

Le Torry à Fribourg. Centre psycho-social spécialisé dans le traitement des dépendances en alcoologie.
Tél. 026 465 20 20 ou 026 460 88 22.

Centre Envol à Genève. Unité de la Fondation Phénix pour le traitement, la réinsertion sociale et la réintégration professionnelle des personnes dépendantes.
Tél. 022 718 88 66

www.phenix.ch/envol.

AL-ANON/Alateen, groupe d’entraide pour les proches et les enfants de personnes alcooliques.
Tél. 0848 848 833

www.al-anon.ch.

Paroles d’expert

Claude Uehlinger, médecin psychiatre, responsable de l’Unité de traitement des addictions à Fribourg et auteur d’un ouvrage intitulé «Quand l’autre boit» aux Ed. Anne Carrière.

Face à une personne alcoolique, quelles sont les erreurs fréquentes de l’entourage?

Erreur est un mot qui ne convient pas. Les personnes de l’entourage, que l’on appelle codépendantes, sont prises dans cette affaire, puisque l’alcoolisme est une maladie familiale. En croyant aider, les proches mettent souvent en place des stratégies: vérification des bouteilles bues, prise de responsabilité pour l’autre. Autant de mesures qui ne servent pas à grand chose et qui finissent par enraciner le mécanisme de la dépendance plutôt que de le déjouer.

Comment aider vraiment?

La personne codépendante doit changer sa manière de voir les choses. Ne plus se dire: comment changer l’autre, mais que puis-je faire pour changer, moi? Il faut donc arrêter de contrôler, de prendre la responsabilité à la place de l’autre, arrêter de le critiquer, de l’infantiliser.

Autrement dit, pour aider, il ne faut rien faire?

Il faut se décentrer du problème. Ça ne veut pas dire se désintéresser, mais prendre de la distance. Je vous donne une image: quand vous êtes ensablé dans une dune, vous pouvez continuer à mettre des gaz, vous allez vous ensabler davantage. Le mieux est de sortir de la voiture. Cette prise de conscience peut entraîner une réaction chez l’autre. Si le partenaire fait un mouvement, la personne dépendante se sent moins sur la défensive et pourra se déterminer différemment.

Quelles sont les chances de guérison?

Plus il y a de tentatives d’arrêter, plus on capitalise d’expériences et donc de chances de s’en sortir. En chiffres: le taux de rechute est de 40 à 60% après six mois. La rechute fait partie du processus qui mène vers l’abstinence. Sur 1000 alcooliques, un tiers va modifier son comportement, un tiers décède prématurément, un tiers reste dans la même situation
 


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