L'euthanasie ne sera pas autorisée
La
proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir a
été écartée au terme de cinq heures de discussion dans la nuit de mardi
25 à mercredi 26. Il est 22 h 10 quand la séance s’ouvre mardi
25 au soir et, d’emblée, les rappels au règlement pleuvent. Le président
du groupe socialiste au Sénat, Jean-Pierre Bel, se plaint de commencer à
une heure aussi tardive une discussion qui aurait mérité "une plus
grande clarté" à "un moment raisonnable". Le sénateur communiste Guy
Fischer lui emboîte le pas : la Haute Assemblée "se serait honorée" de
se saisir l’après-midi d’un débat au "caractère historique". Même sa
collègue Marie-Thérèse Hermange en convient, en exprimant le "regret" du
groupe UMP. Il est tard, mais les travées feutrées sont garnies. Les
sénateurs sont venus nombreux pour vivre une de ces nuits studieuses
dont eux seuls ont le secret.
Rapporteur de la proposition de loi sur l’assistance médicalisée à
mourir, le socialiste Jean-Pierre Godefroy revient sur ce qui a conduit
des élus de droite comme de gauche à rouvrir le débat sur l’euthanasie.
"C’est un sujet qui fait appel à des convictions morales, religieuses,
philosophiques et éthiques", rappelle-t-il. Et puis "ce texte n’est pas
politiquement partisan" et ne reflète "la position unanime d’aucun
groupe", insiste-t-il. "La question de la mort assistée relève de
l’intime, mais aussi des libertés publiques" et le législateur doit
apporter "une réponse humaine et humaniste".
Xavier Bertrand, ministre de la santé, est d’accord sur un point : "Ce
n’est pas un débat comme un autre." Mais c’est pour mieux démonter,
aussitôt après, l’argumentaire du signataire de la proposition de loi et
souligner la limite du débat. "Nous sommes à un moment, ce soir, où
notre droit peut basculer et je ne souhaite pas que notre droit
bascule", prévient-il. Selon lui, le texte sénatorial "n’apporte pas les
garanties suffisantes" et "expose à des dérives incontrôlables". En
résumé, dit-il, "il peut introduire de la confusion et aussi un vrai
risque. (…) Il ne serait pas sans conséquence sur la confiance entre le
soignant et le soigné."
• 1 200 nouveaux lits en soins palliatifs
Pour Xavier Bertrand, "cette proposition de loi ne saurait répondre aux
questions de la fin de vie" et "une telle loi n’aurait pas permis
d’apporter de solution au cas de Vincent Humbert", ce jeune
tétraplégique que sa mère a aidé à mourir en 2003 et dont le cas a été
cité à plusieurs reprises par les sénateurs. En conclusion, le ministre a
plaidé pour le développement des soins palliatifs, promettant de créer 1
200 nouveaux lits dédiés dans les hôpitaux, et pour une meilleure
application de la loi Leonetti.
Une vingtaine d’orateurs se sont ensuite succédé pour exprimer des
questionnements, des doutes et des positions très personnelles. Comme
l’ex-secrétaire d’État centriste Valérie Létard, qui s’est abstenue
après avoir voté l’article 1 de la proposition, ou le sénateur UMP Alain
Fouché, auteur d’un texte en faveur de l’euthanasie. "Ce ne sera pas la
victoire d’un camp contre un autre", avait pronostiqué Guy Fischer. Les
sénateurs ont alors voté des amendements vidant la proposition de loi
de ses sept articles, dont le premier, qui légalisait l’aide médicale à
mourir et qui a été repoussé par 170 voix contre 142 lors d’un scrutin
public.
----------------
Article paru dans La Croix du 27/01/2010
Source : http://www.notretemps.com/