T'as de la chance, avec ta fibro

T'as de la chance, avec ta fibro,

tu ne travailles plus, toi !

Oh oui, c'est çà, j'ai de la chance, j'ai du abandonner mon travail que j'aimais, les revenus que celui-ci me procuraient, pour raison de santé parce que Cruella a pris trop de place dans ma vie, et ce, sans que je le lui demande quoi que ce soit! Mais sais tu ce qu'est une journée avec Cruella?

Dès le réveil, ça commence. J'ai l'impression qu'un bulldozer m'est passé dessus durant la nuit. la nuit est-elle d'ailleurs réellement passée? je me réveille aussi fatiguée qu'avant de me coucher... Ai-je réellement dormi? N'y a-t'il pas un mauvais farceur qui a avancé les aiguilles du réveil?

Mes bras, et particulièrement mes jambes sont raides. Il me faut pas moins d'une demi-heure minimum pour faire mes étirements et pouvoir enfin mettre un pied hors du lit. Et cela demande pas mal d'efforts dès le réveil!

Vient le moment de la toilette. Un bon bain chaud calme les raideurs et les douleurs qui les accompagnent. Et comme je ne travaille pas, j'ai la chance de pouvoir en profiter chaque matin!Mais prendre un bain sans aide est impossible, je ne sais pas sortir seule de la baignoire. Heureusement depuis quelques jours j'ai la chance d'avoir un élévateur de bain, c'est déjà plus facile.

Mais si je veux me laver les cheveux, je dois appeler ma fille.

Pour mon dos, je dois aussi appeler, un de mes enfants ou mon mari.

Me laver les dents nécessite un geste répétitif qui m'est particulièrement pénible... Ce simple geste de la vie quotidienne me prend donc un long moment.

Me brosser les cheveux (que j'ai du couper courts pour éviter de plus grandes difficultés) est également difficile car demande d'élever et de garder les bras en l'air....

Une fois ma toilette terminée, je me sens épuisée... et je dois me reposer un quart d'heure minimum dans le fauteuil.

Le petit déjeuner, comme tous les repas, ne sont plus du tout des moments de plaisir : mâcher est douloureux, avaler également (surtout le matin) ... alors vive les régimes où tout est moulu ou écrasé.... et j'en oublie la notion de satiété ... et vive les kilos!

Sans compter que rester assise à table n'est guère facile non plus, il faut absolument que j'en limite la durée!

Manier des objets à bout de bras, comme pendre le linge pour le sécher ou tout simplement le plier, faire la vaisselle (l'essuyer surtout), porter une casserole, manier le fouet, ou encore lire un livre ... sont des gestes quotidiens qui ne devraient nécessiter qu'un minimum d'effort. Chez moi, ce sont des gestes particulièrement pénibles et pour les bras et pour le dos si je dois en plus rester debout.

Des gestes précis comme éplucher une pomme de terre par exemple est très douloureux pour mes mains.... et me prends un gros quart d'heure et nécessite une pause entre chaque légume.... Cela vous donne une idée du temps nécessaire pour faire à manger pour 5 personnes !

Et c'est pareil pour tous les gestes qui demandent un minimum de précision: couper ma viande, écrire, attacher un bouton, fermer une tirette, faire mes lacets...

C'est pareil pour tous les gestes répétitifs comme prendre les poussières, frotter, nettoyer.

La marche est de plus en plus difficile, en raison de Cruella et de mes genoux en carton comme je les appelle... Je dois parfois m'aider d'un gadot à l'intérieur, particulièrement le matin. Ensuite j'arrive à avancer (je n'ose dire marcher tant la démarche est hasardeuse!) 1/4h à 1/2h sur terrain sans dénivelé. Autant dire de suite qu'à l'extérieur, c'est d'une facilité exemplaire : entre les rues en pente, les trottoirs qui n'ont de trottoirs que le nom, les pavés de rue, les trous, les marches pour entrer dans un magasin.... c'est un vrai parcours du combattant! Et si le trajet est trop long, c'est la chaise roulante.

Tout changement de température (comme passer dans le rayon des surgelés par exemple),le froid et l'humidité,  tout changement de luminosité (croiser du soleil à l'ombre ou inversement) sont aussi des situations très difficiles.

Tout contact, même léger, comme des caresses, surtout au niveau des épaules et des jambes est pénible. Super pour vous blottir dans les bras de mon amour... et je vous passe sous silence les difficultés des ébats amoureux!

Je peux encore ajouter que rouler en voiture m'est interdit. De toute  façon comment ferais je pour rester assise et manipuler le changement de  vitesse, les pédales et réagir vite en cas de problèmes? Impossible! Je  serais un vrai danger ambulant. Alors là aussi il me faut demander un  chauffeur.

Et j'arrête là non que j'ai tout dit mais parce que la liste des difficultés journalières est sans fin!

En sus de ces difficultés la plupart du temps douloureuses, s'ajoute une fatigue continuelle, avec un sommeil non réparateur.

Alors ne me dites pas que j'ai de la chance de ne plus travailler. Il m'était tout simplement impossible de continuer de pratiquer le métier que j'aimais. Renoncer à mon travail signifie bien entendu une baisse significative de mes revenus, et un casse-tête pour boucler les fins de mois tout en répondant aux besoins de mes 3 enfants aux études supéreiures. Mais entraîne aussi une perte de contacts sociaux incroyable. Ne plus travailler pour cause de santé a en effet souvent pour conséquence un isolement certain qui peut devenir pénible, particulièrement en hiver.

Alors vous qui êtes en bonne santé, et qui travaillez, ne m'enviez pas. Oui, vous devez vous lever tous les matins pour y aller. Mais comme je voudrais pouvoir remonter le temps et moi aussi partir aux aurores vers mon lieu de travail ... synonyme aussi de liberté!

Je ne me plains pas. Cruella a élu domicile dans mon corps et je m'en accommode du mieux que je peux mais de grâce ne m'enviez pas de rester chez moi, au chaud...

 Vos remarques déplacées font mal inutilement. Je n'en ai nul besoin. je ne suis pas paresseuse ou fainéante. Au contraire, je suis du genre hyperactif. Et être en difficultés pour une majorité de gestes quotidiens n'est pas du tout agréable. Je ne veux pas de votre pitié, mais juste un minimum de respect pour la personne que je suis devenue malgré moi. Est-ce vraiment trop demander?

Ecrit par Anouchka Blanchart

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