"La science rattrape le paludisme"
"La science rattrape le paludisme"
"La science rattrape le paludisme"
Propos recueillis par Xavier Demarle
La Journée mondiale de lutte contre le paludisme, ce vendredi, est l'occasion de rappeler que cette maladie est encore responsable de la mort d'au moins un million de personnes par an. Mais même s'il n'y a toujours pas de vaccin, la science progresse, rappelle le professeur Martin Danis, de la Pitié-Salpêtrière.
La Journée mondiale de lutte contre le paludisme a lieu ce vendredi. Cette parasitose -maladie causée par un parasite- transmise par les piqûres de moustiques cause la mort de 1 à 3 millions de personnes par an sur la planète, selon différentes estimations, et frappe surtout les enfants et les femmes. 300 à 500 millions de personnes dans le monde en seraient atteintes, selon Médecins sans frontières (MSF).
Cependant, le risque de contracter la maladie diminuerait, selon la nouvelle carte mondiale du paludisme de l'Université d'Oxford et l'Institut kenyan de recherche médicale, publiée ce mois-ci. Pour le professeur Martin Danis, du CNR paludisme de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, à Paris, si le parasite recule, l'arrivée de nouveaux traitements en est en partie responsable. Entretien.
Quels sont les derniers progrès de la recherche contre le paludisme?
Depuis
une dizaine d'années, de nouveaux traitements curatifs sont utilisés.
Avant, on avait recours à une unique molécule, comme la chloroquine ou
la quinine, mais elles ont perdu de l'efficacité contre le parasite.
Les chercheurs ont mis à disposition de nouveaux médicaments: les ACT.
Ils combinent de l'artémisinine, issue de l'armoise, à un deuxième
antipaludéen. Si le premier ne vient pas à bout des parasites les plus
résistants, c'est la seconde molécule qui fait le ménage... D'où des
effets plus dévastateurs de ces traitements sur le paludisme. Seul
souci: leur coût. Le plus courant des ACT revient à 2,4 dollars pour un
adulte, là où la prise d'une seule molécule pouvait revenir à 0,20
dollar...
Ces nouveaux traitements ont-ils déjà permis d'endiguer la progression de cette maladie à l'échelle planétaire?
Des
études ont prouvé l'efficacité des médicaments à base de deux
molécules. Le recul de ce fléau a été réel dans certains pays
d'Afrique, comme l'Ethiopie, l'Ouganda ou l'Afrique du sud. Le fonds
mondial contre le paludisme a permis une certaine ouverture de l'accès
aux médicaments dans les pays les plus pauvres. Il est aussi plus
facile de suivre de tels traitements, beaucoup plus qu'il y a quelques
années. Maintenant, il suffit d'ingurgiter un seul comprimé, alors
qu'au lancement des ACT, il fallait en prendre deux, un médicament pour
chaque molécule.
Les Africains acceptent parfois le paludisme comme une fatalité. Désormais, prennent-ils davantage les choses en main?
C'est vrai que, dans le passé, le paludisme était presque vu comme "naturel" par les Africains, au contraire du sida, qu'ils ont ressenti comme un véritable coup de tonnerre. Le travail de l'OMS et de sa branche Roll Back Malaria ou d'ONG comme MSF a permis de rompre avec cette passivité. La prévention a gagné du terrain dans les zones touchées. Diffusion de traitements, distribution gratuite de moustiquaires imprégnées d'insecticides: les populations ont été sensibilisées.
Un vaccin sera-t-il bientôt prêt?
Deux firmes pharmaceutiques, GSK et Sanofi-Aventis, font des expérimentations. Mais la recherche s'avère extrêmement compliquée pour deux raisons: un coût assez lourd et, surtout, le fait que le paludisme n'est pas un virus. Ce parasite est extrêmement complexe, parce qu'il revêt une forme différente selon les parties de l'organisme qu'il traverse. Il faut donc des anticorps garantissant une protection complète. Plus concrètement, un vaccin classique ne permettra pas d'immuniser le corps humain directement contre le paludisme.