Interview : Fibromyalgie, mystérieuse inconnue
Interview : Fibromyalgie, mystérieuse inconnue
Entre douleurs chroniques et fatigue persistante, les victimes sont
désarmées face à un handicap incompréhensible. Diagnostic difficile,
prise en charge déficiente, comment sortir les fibromyalgiques de
l'isolement ? C'est le but de cet ouvrage " Fibromyalgie, les malades
veulent savoir ", réalisé par une association de malades, Fibromyalgie
France - Union Française des Adhérents Fibromyalgiques. Carole Robert,
délégué général, nous commente une situation délicate.
e-sante : Pourriez-vous nous rappeler ce qu'est la fibromyalgie ?
Carole Robert : Cette affection se caractérise par des douleurs
musculaires rebelles, résistantes aux antalgiques usuels, et qui
s'accompagnent d'une fatigue importante et d'un sommeil non réparateur.
La particularité de ces douleurs est de fluctuer dans le temps, de se
déplacer (région lombaire, cou, épaules, genoux, coudes, chevilles,
torse, milieu du dos...). Ces douleurs sont ressenties comme des
contractures, des brûlures, la sensation que le muscle est pris dans un
étau.
La fibromyalgie (FM) touche une majorité de femmes (80%) et peut
débuter à l'adolescence. Les examens médicaux ne révèlent généralement
rien. Cependant, les professionnels de santé formés à la palpation de
points douloureux, au nombre de 18, peuvent les localiser conformément
aux critères de l'American College of Rhumatologie ? A.C.R. - (11 sur
18 points). Cependant, le diagnostic demande une écoute du malade et un
descriptif pointu des troubles associés qui accompagnent les douleurs
et la fatigue, tels que raideur matinale, troubles du sommeil,
fatigabilité musculaire, colopathie fonctionnelle, céphalées de
tension, syndrome sec, troubles auditifs, visuels... Il est primordial
de rappeler que le diagnostic s'effectue par élimination positive, car
il faut exclure, entre autres, un rhumatisme inflammatoire, un lupus,
un syndrome de Gougerot-Sjögren, une maladie de Lyme, etc. Ce
diagnostic est clairement pluridisciplinaire.
e-sante : Pourquoi est-elle très mal prise en charge ?
Carole Robert : Il est délicat de répondre à cette question sans
nécessairement se poser des questions sur la formation initiale ou
continue des médecins et spécialistes. Cela-dit, nous sommes bien
conscients qu'il existe de très nombreuses maladies rares et/ou
orphelines et qu'il est difficile de ce fait à un médecin de connaître
à fond toutes les maladies (à noter cependant, que la fibromyalgie
n'est pas une maladie rare puisqu'elle toucherait 2 à 4% de la
population).
Si nous pouvons comprendre cet argument, nous ne pouvons pas
accepter les a priori qui sont légions concernant la fibromyalgie et
qui visent plus particulièrement à nous faire passer pour des malades
mentaux, hypocondriaques, hystériques.... Pour ces raisons, nous ne
pouvons que regretter que cette pathologie, tout d'abord difficile à
diagnostiquer, soit si méconnue et alors tardivement prise en charge.
Par ailleurs, il est fréquemment proposé aux fibromyalgiques des
antidépresseurs, à faible dose afin d'agir sur le seuil de la douleur
et le sommeil, car il faut rapidement éviter que la chronicité ne
s'installe.
Un diagnostic précoce permettrait ainsi de rompre avec le cercle
vicieux " j'ai mal, je ne bouge plus " puis " je ne bouge plus, j'ai
mal " et d'éviter alors une perte de qualité de vie notable.
L'ignorance de la réalité de cet état est un facteur aggravant pour les malades, lesquels s'isolent.
Une des caractéristiques de notre pathologie étant de résister aux
antalgiques usuels, il est dans le meilleur des cas souhaité que le
malade puisse établir une base de confiance avec son médecin traitant
afin d' " essayer " tous les traitements proposés aux fibromyalgiques
et de trouver le médicament qui pourrait atténuer les douleurs et
améliorer les troubles du sommeil.
Cette base de confiance établie, une prise en charge
individualisée peut être mise en place : soins en centre antidouleur,
balnéothérapie, séances de sophrologie… Ces soins doivent toutefois
être adaptés à chaque personne concernée. En effet, ceux-ci doivent
être doux et tenir compte de la tolérance de chaque malade. Il est
ainsi clair que la prise en charge demeure très individuelle et non
standardisée..., nous pourrions dire presque : un défi pour les
professionnels de santé et le patient !
e-sante : Dans quel but avoir choisi de donner la parole aux malades de douleurs chroniques dans votre livre ?
Carole Robert : Notre livre " Fibromyalgie, les malades veulent
comprendre " est né de la volonté de publier le rapport que nous avions
remis en août 2001 au cabinet du ministre de la Santé, lors d'un
premier entretien que nous avions alors obtenu. Nous avons pensé qu'il
ne pouvait prendre tout son sens qu'en publiant des témoignages de
malades, malades qui sont au centre de nos préoccupations.
* Carole Robert, Délégué Général de Fibromyalgie France, Union Française des Adhérents Fibromyalgiques,
http://fibromyalgie.ufaf.free.fr
Cet article est extrait de : www.e-sante.fr/