Sécurité sociale
La CPAM durcit le ton. Une mesure s'étend cet été à tous les départements. Il faut maintenant payer d'avance ses médicaments si l'on refuse le générique
La pharmacienne du centre de Bordeaux regarde Stéphane d'un air un peu gêné. Elle revient avec la boîte du médicament contre les allergies prescrit par son médecin. « Bon, en fait, la Sécurité sociale nous oblige maintenant à vous donner le générique. Si vous ne le voulez pas, il faut nous faire l'avance. Vous n'aurez pas droit au tiers payant. » Le jeune homme hésite quelques secondes, puis accepte : « Je n'ai pas voulu me lancer dans de la paperasse. J'ai pris les génériques », explique-t-il.
Cette scène se répète inlassablement dans les pharmacies de Gironde depuis le 1er juillet, date de la mise en application d'un texte sur l'utilisation des médicaments génériques. Mais la mesure concerne en fait l'ensemble du pays. Il s'agit d'inciter très fortement les malades à utiliser ces copies qui coûtent beaucoup moins cher au patient et donc à la Sécurité sociale qui rembourse. « Nous devons absolument rattraper notre retard. L'utilisation des génériques a tendance à baisser, alors qu'elle avait augmenté. Il fallait inverser cette tendance, revenir à 85 % de génériques lorsque la substitution est possible. Nous sommes aujourd'hui retombés à 70 % », détaille Jérôme Pascaud, directeur délégué de la CPAM Gironde.
Un texte renforcé
Une conséquence de la défiance croissante des malades pour ces génériques, et des doutes exprimés par les médecins. Pour y remédier, la CPAM va utiliser une arme de dissuasion quasi imparable : l'argent. Comment ? En renforçant les contraintes d'un texte qui n'a été appliqué qu'à la marge dans les pharmacies de France ces dernières années. Depuis 2006, il est en théorie obligatoire de prendre le générique si l'on veut être remboursé sans faire l'avance de la dépense. Mais dans les faits, peu d'officines ont joué le jeu, notamment pour ne pas être pénalisées par rapport à d'autres.
Au terme de négociations avec les représentants des pharmaciens, la Sécurité sociale est ainsi parvenue à la mesure suivante, qui est en train d'être étendue à tous les départements cet été. Si le médecin traitant n'a pas indiqué clairement la mention NS (non substituable) devant chaque médicament d'une ordonnance, le pharmacien ne pourra pas faire jouer le tiers payant si l'assuré ne choisit pas le générique. Ce dernier devra alors faire l'avance tout en remplissant une feuille de remboursement, qu'il faudra ensuite envoyer à la Sécurité sociale. Une complication administrative et l'obligation d'effectuer d'abord la dépense qui devraient inciter la grande majorité des patients à choisir les génériques. D'autant que les pharmaciens ne feront probablement pas preuve de souplesse. Eux aussi seront frappés au portefeuille s'ils n'appliquent pas la règle, avec un non-remboursement par la Sécurité sociale.
Substitution ou non
Si elle est efficace, autrement dit si le taux de substitution pour un générique remonte à 85 %, cette mesure devrait rapporter chaque année plus de 1 milliard d'euros à la Sécurité sociale, pour un déficit annuel de 15 milliards de sa branche maladie. Reste une faille dans la cuirasse du système. Il suffit que le médecin indique « non substituable » (NS) sur l'ordonnance pour éviter ce tracas à son patient. Ils seront probablement nombreux à le réclamer à leur praticien. « Les médecins ont également signé un accord. Ils se sont engagés sur cette question de la substitution », précise Jérôme Pascaud.
Il reste cependant quelques cas particuliers, comme ceux des personnes âgées de plus de 75 ans qui prennent des médicaments depuis longtemps, pour lesquelles la CPAM acceptera la prescription du même traitement. Il existe enfin le cas où le médicament n'a pas de générique. La copie n'est en effet possible que vingt ans après la mise sur le marché d'un principe actif, et ce afin de permettre aux laboratoires d'amortir les dépenses liées à la recherche.