Dans la tête d'un homme violent
TEMOIGNAGE
C'est l'un des rares témoignages d'homme violent. Frédéric Matwies, 44 ans, a frappé sa compagne pendant dix ans. Aujourd'hui guéri, il raconte le mari violent qu'il était.
Il est un "Monsieur tout le monde", qui a été capable du pire. Frédéric Matwies, 44 ans, a frappé sa compagne pendant dix ans, jusqu'au "coup de trop" qui aurait pu la tuer. Le "déclic" pour son repentir. Après deux années de thérapie, il se sent "guéri". Il raconte aujourd'hui, le mari violent qu'il était dans Il y avait un monstre en moi* et témoigne sur TF1 News.
La première fois
Cela a commencé par une gifle. C'était dans les premiers mois de notre relation. Sabrina avait 17 ans et demi, moi 26. J'attendais son retour sur un sujet -lequel ?, je ne m'en souviens pas-. Elle n'a rien dit, j'avais l'impression qu'elle me prenait pour un con. J'ai commencé à bouillir intérieurement. De mots forts en mots forts, une claque est partie. Je n'ai pas de cette première fois un souvenir précis. Ni des autres d'ailleurs. Ces mauvais moments ont été enfouis quelque part au fin fond de ma mémoire. Autant, je me souviens de nos vacances en Corse autant les scènes de violences... Pour écrire ce livre, j'ai sollicité l'aide de Sabrina. Pour qu'elle me raconte ce que je lui ai fait subir si souvent, si longtemps.
Quand on frappe l'être aimé
La violence conjugale naît d'un enchaînement infernal, comme un cyclone qui emporte tout sur son passage. C'est toujours le même mécanisme. On se fait une montagne d'un détail. Il y a cette boule au ventre qui gonfle. La tension monte, on explose, le coup part. On perd la raison, on ne réfléchit plus. On donne les coups pour se décharger. C'est comme une drogue. Malgré l'amour que je portais à Sabrina, je devenais un monstre, odieux, cruel. Quand j'explosais, je me sentais un autre homme. On réalise ce qu'on vient de commettre seulement quand c'est fini. On est surpris, effrayé de soi-même. Après, je culpabilisais, j'essayais de chercher des raisons et je me rapprochais de Sabrina. Je redevenais câlin, lui promettais de ne plus jamais recommencer. Je m'excusais pour qu'elle me pardonne...
Une ordure
En quelques mois, je suis devenu une ordure. Avec la première gifle, j'ai mis le doigt dans une relation faite de violences verbales, de harcèlement, de coups. C'est allé de pire en pire. Ce que je lui ai fait subir, c'est barbare. Je lui ai brûlé les cuisses avec une cigarette, j'ai tenté de l'étrangler. Le pire ? C'était suite à une énième querelle. Elle se retrouve au sol. Je suis sur elle. A côté, il y a cette cage à lapin. Je lui dis 'puisque tu veux me faire bouffer de la merde, ben moi je vais t'en faire bouffer aussi. Et je prends des crottes et je lui mets dans la bouche."
Un problème latent
J'ai toujours su en fait que j'avais un problème. En maternelle, déjà, j'étais au fond de la classe, je ne parlais pas. Plus tard, j'étais violent avec mon beau-père, lui-même violent. Un jour, je lui ai cassé une casserole sur le crâne. J'ai été exempté de service militaire. J'étais P4, la catégorie pour ceux ayant des problèmes psychologiques. On m'a expliqué que j'étais inapte pour la vie en groupe. Les autres me charriaient en me disant 't'es fou, t'es fou'. Quand Sabrina et moi avons eu notre première fille, une médiatrice, qui m'avait vite cerné, m'a conseillé de voir quelqu'un. J'ai essayé le sport, la lecture, les balades pour compenser, penser à autre chose... Je vivais tellement mal, toujours à cogiter.
La honte
La honte nous étouffe à chaque "après". On se sent minable et on s'enfonce dans la souffrance. J'avais peur de moi-même. De faire encore souffrir Sabrina et les filles. Au boulot, ça m'obsédait, je me disais 'merde, je lui ai encore fait du mal'. Dans l'immeuble où nous vivions, personne ne me connaissait comme ça. J'étais un voisin sympa. On se cache, on dissimule son vrai visage. Je me souviens d'un déjeuner avec des collègues. Ils parlaient d'un fait divers, je crois, d'une femme battue. Ça plaisantait là-dessus et ça finissait en rire gras à base, 'oh, elle a dû le chercher' et d'autres bêtises comme ça. J'étais extrêmement mal à l'aise. J'avais honte, j'attendais seulement qu'ils changent de sujet. Voilà, on vit de manière planqué le plus possible.
Le coup de trop
Un jour de janvier 2003, il y a ce coup de couteau qui se plante dans le bras de Sabrina. Jusqu'à présent elle avait seulement déposé des mains courantes. Cette fois, elle a porté plainte. Moi, je me suis dit 'voilà, c'est la fin'. De notre relation. De ce cycle de violence. J'ai peur de la suite mais je suis soulagé aussi. On se dit 'enfin, tout le mal que j'ai causé, va s'arrêter'. L'abcès est crevé. J'ai pris trois mois de prison avec sursis mais surtout, j'ai décidé d'aller me faire soigner.
La guérison
Tous les 15 jours, pendant deux ans, je suis allé dans un groupe de parole pour hommes violents à La Garenne-Colombes. Là, j'étais avec d'autres personnes dans mon cas. Chacun y raconte son histoire. Les séances sont douloureuses, la prise de parole est intimidante. Dire qu'on a tabassé sa compagne, c'est dur. La seule chose qu'on a en commun ensemble, c'est notre propre violence. Il y a un côté réconfortant à savoir qu'on n'est pas le seul. Là notre propre violence nous est renvoyée en pleine face. A travers l'histoire de l'autre, il y a notre propre histoire. C'est en thérapie que j'ai appris qu'il fallait s'exprimer et qu'on pouvait le faire autrement que par la force des poings. Aujourd'hui, j'arrive à verbaliser ce que je ressens, je parle, ça empêche cette frustration, la création de cet abcès qui finissait par éclater. Oui, je me sens guéri.
"Il y avait un monstre en moi. Témoignage d'un ex-mari violent",
Editions Michalon, 17 euros
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Par Amélie Gautier le 25 novembre 2011
Source : http://lci.tf1.fr/
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