Environnement hostile

          Environnement hostile

Quand on est malade, atteint d’une pathologie handicapante, douloureuse, on ne vit plus dans le même monde que les autres. Une sorte de nouvelle dimension se crée avec de nouvelles définitions, de nouvelles règles. Ces règles régissent ce que le malade peut faire ou ne peut pas faire, mais aussi ce qui va lui demander un effort, un sacrifice.

Ce nouveau monde va vouloir essayer de se calquer sur le monde des gens normaux. Le malade va vouloir continuer de vivre sa vie dans le même environnement que les autres mais son monde a lui ne sera pas le même. Pour essayer de faire comprendre aux gens normaux ce que vit un malade, je vais essayer de décrire un peu ce nouveau monde, cette dimension où ce qui nous entoure devient hostile, notre vie une guerre…

Mais pourquoi cette porte est-elle si lourde? Pourtant quand les autres la poussent, elle semble tout à fait normale… Mais pourquoi l’ouvrir me fait-il souffrir? Qu’ai-je fait à cette porte pour devoir endurer encore plus de douleurs pour simplement accéder à ce qu’il y a de l’autre côté, c’est pourtant mon droit…

Aller à une dédicace

Pourquoi les gens marchent-ils si vite? On est pas là pour faire la course. Puis aller à leur allure me fait trop mal, j’ai l’impression que mes jambes vont me lâcher. Aille! Encore un qui doit trouver que je marche trop lentement ou qui s’est dit que je pouvais l’éviter. Pas sans risquer de me faire un tour de reins. Ah bah voilà qu’il y a foule… Bon, patientons. J’ai super mal aux jambes, qui a mis des oursins derrière mes genoux? Et pourquoi elle me pousse celle-là derrière avec son sac? Qu’est-ce qu’elle me fait mal. Je vais la regarder méchamment. Ah bah voilà qu’elle s’appuie de plus belle. Bon, je la veux vraiment cette dédicace. C’est une occasion unique, moi qui sort si peu. Je tiens bon. Ah non, voilà que le voisin de droite respire la bouche ouverte, j’avais déjà des nausées… Ça fait combien de temps que je suis debout là? 10 minutes. Je ne sais pas si je vais pouvoir tenir, avec tous ces gens qui me poussent, mon corps me tiraille de toutes parts. Bon c’en est trop, ça ne vaut pas la peine, j’abandonne.

Prendre le bus

Ah ouf, enfin, le bus arrive. J’ai cru mourir des jambes… un peu plus et mes genoux se seraient trop ankylosés pour faire un pas de plus. Mais pourquoi ils ont mis des marches aussi hautes? Est-ce que j’ai l’air d’un kangourou franchement? Bon, une place assise, peu importe laquelle… Ah, voilà! Victoire! Je suis assise! Je suis assise uh ! Ouf, ça fait du bien, je me sens mieux. Bon je suis un peu compressée du dos mais- aille! La vache il était obligé de freiner comme ça lui? Purée, il m’a éclaté le dos. Bon, restons sur nos gardes.

Hein? Pourquoi elle me regarde? Oui, c’est bien moi qu’elle fixe. Ma place? Ah non, je ne peux vraiment pas la laisser. Bon, je fais quoi… j’explique que je suis malade et je m’humilie en public ou je me lève et c’est la torture assurée? Non.. s’il te plait, ne m’oblige pas à te supplier… ok t’as l’air légèrement enceinte mais bon, je souffre moi, j’ai putain de mal! Ah bah voilà que les autres passagers s’y mettent. Bon, pas le choix je me lève.

Quoi? C’est quoi ce foutage de gueule? Elle me fait tout un cinéma pour que je lui laisse ma place et c’est son sale mioche qui a l’air plus qu’en forme qui trône maintenant fièrement sur MA place?! En plus il me regarde, le p’tit con! Est-ce qu’il se rend compte à quel niveau de souffrance j’ai dû monter pour lui laisser ma place? Debout dans un bus, avec les genoux sciés, le dos démoli et les jambes déchiquetées…

Avoir mal, être bloquée

Bon, je suis allongée mais devant la télé, c’est déjà ça. Mon corps me fait un mal de chien, j’espère que ça va passer. Je comprends pas pourtant, j’ai pris mes médicaments, j’ai dormi, mais impossible de me lever ou de marcher. Quelle humiliation. Bon, y’a vraiment rien à la télé, tout est déprimant, inintéressant. Est-ce que c’est parce que j’ai mal que je ne trouve rien de rien qu’un tout petit peu divertissant? Pfff bon, un DVD… Oui mais si je veux regarder un DVD je devrai: me lever, marcher, tendre le bras, me baisser, rester un peu accroupie… Impossible. Tant pis, je finirai bien par trouver une émission correcte. (…) Bon j’en peux plus là, j’ai l’impression de mourir… Je boirai bien un peu, peut-être que j’aurais moins la nausée. Hm. Bon, est-ce qu’il est debout? Ah, non il est occupé. Tant pis. (…) Voilà que j’ai envie d’uriner. Non, pas ça… Bon, pas le choix. Alors, se redresse AAAAhhhhhh! Putain! Non non c’est bon, ça va! Aller, un pied par terre! L’autre! On se tourne! Voilà, j’y suis presque… Maintenant on s’appuie bien et on se redresse. Ou pas complètement, oui, je pense que je peux marcher dans cette position. J’espère que les voisins ne me voient pas déambuler comme ça… Bon, la porte… voilà, on se retourne doucement, on referme. On s’assied lentement-allieuh! Pourquoi les cuvettes sont-elles si basses? Et froides. Du papier toilette… Ça va, à portée de main et maintenant… Mon bras a raccourci? bon si je me penche un peu sur le côté… Pas tomber!!! Surtout, ne pas tomber! Pourquoi je n’ai pas installé de toilettes japonaises? Ça serait pourtant plus simple…

Je ne sais pas si ces exemples vous permettront de comprendre ne serait-ce qu’un peu ce que je vis, au quotidien ou en crise. Le monde n’est pas fait pour les gens comme nous ou plutôt nous ne pouvons pas vivre sans encombre dans le même monde que les autres. Nous sommes agressés au quotidien par les situations les plus banales…

----------------------

Par Orryane que je remercie pour son accord
Donc, voici son blog : Sur le divan d'Orryane