A quoi ressemblera notre assiette de demain ?
A quoi ressemblera notre assiette de demain ?
Selon un proverbe populaire, la santé est dans l'assiette. A l'heure où
OGM, pesticides et autres innovations biotechnologiques s'y invitent,
notre alimentation ne va-t-elle pas nous rendre malade ?
Selon un sondage récent, 70% des Français affirment qu'il est
important de pouvoir manger des produits totalement dépourvus d'OGM (1).
Les OGM inquiètent, font peur mais surtout, divisent l'opinion publique
et la classe politique. En sont pour preuve les récents rebondissements
à l'Assemblée provoqués par le projet de loi sur les OGM. Ce texte de
loi vise à transcrire, en droit français, la directive européenne
permettant la coexistence des cultures. Il devait être voté début mai
mais a finalement été rejeté, pour l'instant....
Avant de savoir ce qu'il va se passer dans les champs, intéressons-nous
à ce qui se passe dans notre assiette. Est-il possible d'y trouver des
OGM ?
Pour l'instant, les grandes cultures OGM sont avant tout destinées à l'alimentation animale.
Par ailleurs, la star des OGM, le maïs mais également le soja, le colza
et le coton sont utilisés pour l'élaboration d'huiles alimentaires et
d'additifs courants dans l'alimentation humaine (lécithine de soja et
amidon).
Sous la pression de l'opinion publique, l'Union
européenne a donc imposé que tous les produits alimentaires contenant
plus de 0,9% d'OGM ou de produits dérivés d'OGM soient étiquetés dans
un souci de transparence et d'information vis-à-vis du consommateur.
Petit bémol : si les aliments utilisés dans l'élevage bovin sont
effectivement étiquetés, ça n'est pas le cas pour le lait ou la viande
d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés. Pour
l'instant, aucune donnée scientifique ne permet d'affirmer qu'il y a
une modification effective des caractéristiques des produits animaux
suite à une alimentation à base d'OGM.
Mais sur notre organisme ? Parmi les risques que sont susceptibles de présenter les OGM, figurent notamment des risques pour la santé humaine par toxicité ou allergénicité et des risques pour l'environnement comme la déstabilisation de certains écosystèmes. Pour l'instant, aucune étude scientifique, qu'elles soient indépendantes, gouvernementales ou à l'initiative d'ONG, n'ont pu démontrer une quelconque nocivité chez l'homme. Mais la question se pose surtout sur le long terme puisque l'histoire nous a appris que les grandes crises sanitaires ne se déclarent souvent que quelques décennies après les faits : poulet aux hormones, vache folle, amiante, etc. La vigilance est donc de mise.
La solution contre la faim dans le monde ?
Théoriquement, le principe des OGM, qui permettrait aux plantes
d'être plus résistantes dans des conditions difficiles (salinité,
sécheresse, etc.) peut séduire : il pourrait être une solution de
premier choix pour augmenter la surface des terres cultivables et
nourrir ainsi les 9 milliards d'individus que comptera la planète dans
40 ans. Cela revient à se demander si les OGM permettront aux pays du
Sud de produire plus grâce aux graines améliorées. Mais, parce qu'il y
a presque toujours un mais, quelques grains de sables viennent enrouer
cette mécanique utopiste :
» D'une part, les variétés d'OGM cultivées aujourd'hui ont été développées par les pays du Nord. Ces variétés ne sont donc adaptées ni au climat, ni à l'environnement des pays du Sud.
» La seule augmentation de la productivité
agricole, optimisée par des plantes à haut rendement et très
performantes, ne peut être l'unique réponse au problème de la faim dans
le monde. L'intérêt de telles plantes est en effet limité par le fait
que la plupart des petits agriculteurs des pays en voie de
développement y ont difficilement accès.
La révolution agricole passe avant tout par le développement d'une agriculture durable,
c'est-à-dire qui prendrait en compte le fonctionnement des écosystèmes
pour augmenter le rendement agricole sans ajout massif d'engrais et de
pesticides. Mais qui n'exclue pas nécessairement l'utilisation d'OGM
qui permettraient d'obtenir des plantes utilisant moins d'engrais, mois
d'eau, avec un meilleur rendement et qui seraient résistantes à
certaines maladies. En cela, l'agriculture bio peut constituer une
partie de la solution, car tout comme l'agriculture conventionnelle,
elle peut, théoriquement, produire assez par tête pour nourrir la
planète. Mais, revers de la médaille, nécessite plus de main d'œuvre
qualifiée.
Pour Pierre Feillet, membre de l'Académie d'agriculture et de
l'Académie de Technologie, "les progrès techniques (scientifiques
notamment) seront importants, de la semence à la cuisine. Mais dans
l'assiette, ces progrès n'ont pas intérêt à se voir. C'est une demande explicite du consommateur que de ne pas voir son assiette modifiée.
Par ailleurs, le consommateur urbain ne sait plus ce qu'il mange ni
d'où cela vient. Il existe un sorte de boîte noire entre la fourche et
la fourchette. Il faut gérer le paradoxe de l'envie d'être assuré de la
sécurité alimentaire avec une peur et une véritable répulsion vis-à-vis
des biotechnologies." (2)
Manque d'informations, désinformation ou trop plein d'informations contradictoires, dans ces conditions, il est très difficile, à moins d'être impliqué dans le dossier, de savoir ce qu'il faut penser des OGM.
(1) Sondage CSA-Greenpeace, 2008
(2) Source : conférence " Faut-il avoir peur de notre alimentation de demain, organisée dans le cadre de la journée " qu'est-ce qu'on mange ", 23 avril 2008.)