La sclérose en plaques : protéger le cerveau pour empêcher le handicap
La sclérose en plaques : protéger le cerveau pour empêcher le handicap
En France, environ 80 000 jeunes adultes souffrent de sclérose en
plaques (SEP). De nouvelles pistes de recherche s’ouvrent pour réparer
les lésions dans le cerveau et stopper ainsi l’évolution vers le
handicap.
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie qui marque par son caractère imprévisible. « Les
premiers signes correspondent à des troubles sensitifs ou moteurs,
comme la paralysie d’unmembre ou une atteinte visuelle. C’est ce que
l’on appelle “une poussée”, décrit le Dr Bernard Zalc,
spécialiste de cette affection, qui travaille dans un laboratoire
Inserm à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Ces signes vont régresser spontanément. Plus tard, une autre poussée survient dans la même
région du corps ou dans une autre, pour régresser elle aussi. Cette
alternance de poussées et de régressions se poursuit, mais
progressivement les régressions sont moins complètes, laissant des
séquelles plus ou moins invalidantes ».
* DES ÉPISODES INFLAMMATOIRES
Au fil des poussées, un handicap définitif s’installe. Cette situation
est d’autant plus difficile à gérer pour les patients que la SEP frappe
entre 20 et 40 ans, à une période où l’on construit sa vie. On sait
aujourd’hui que les poussées sont la conséquence d’épisodes
inflammatoires dus à l’invasion du cerveau par des cellules du système
immunitaire, le système censé défendre l’organisme.
* DES MÉDICAMENTS INSUFFISANTS
À ce jour, la plus grande victoire contre la SEP est d’ailleurs la mise
au point de molécules thérapeutiques dénommées immunomodulateurs
(interféron-béta et/ou acétate de glatiramer), qui réduisent fortement
cette inflammation, limitant donc la fréquence de survenue des
poussées. Pour autant, il semble que ces immunomodulateurs ne freinent
pas de manière significative l’évolution vers le handicap. « On pense aujourd’hui que le handicap définitif n’est pas directement lié à l’inflammation
», indique le Dr Zalc. Explication : notre système nerveux central
(composé du cerveau et de la moelle épinière) envoie ses informations à
tout l’organisme sous forme d’influx électriques, via un prolongement
des neurones
appelé axone. Cet axone est entouré d’une gaine, dite gaine de myéline,
qui a pour fonction d’accélérer la conduction de l’influx nerveux. Or,
dans la SEP, cette gaine est détruite. « La gaine de myéline se débobine (c’est la démyélinisation) puis les axones dégénèrent. C’est comme s’ils étaient coupés, donc l’influx nerveux ne passe plus, ce qui rend l’atteinte définitive », souligne le Dr Zalc. C’est pourquoi des équipes de recherche se mobilisent sur ce terrain.
* RÉTABLIR UNE CONDUCTION NERVEUSE EFFICACE
Leurs objectifs : restaurer la gaine de myéline et protéger les axones de la destruction. « Il y a beaucoup de voies à explorer dans ce domaine, et elles sont explorées ! », insiste le spécialiste.
INTERVIEW
Anne Baron-Van Evercooren,
Directrice de recherche (UMR546 Inserm-UPMC)
* Quel est l’objet de vos travaux?
Nos
intérêts de recherche s’orientent vers les mécanismes de réparation en
oeuvre dans des affections caractérisées par des atteintes de la
myéline, c’est-à-dire une destruction de la gaine qui entoure les
axones (prolongements des neurones), comme c’est le cas dans la
sclérose en plaques (SEP). Nous nous intéressons à deux volets
différents. D’une part, nous étudions la réparation dite endogène, qui
peut survenir de façon spontanée dans le système nerveux. Cet axe de
recherche a reçu le soutien de la Fondation pour la Recherche Médicale.
Nous travaillons également autour de la réparation exogène,
c’est-à-dire celle qui intervient lorsque l’on apporte des nouvelles
cellules par thérapie cellulaire. Dans un volet de recherche comme dans
l’autre, nous essayons d’identifier les cellules les plus compétentes
pour la réparation de la myéline.
* Quelles sont les cellules qui attirent le plus votre attention?
Dans le cerveau de la souris adulte, il existe de petits foyers de
cellules souches neurales. On les appelle souches parce que ces
cellules se multiplient énormément et ont vocation à donner naissance à
tous les composants du système nerveux. Elles peuvent également se
différencier en oligodendrocytes, les cellules responsables de la
fabrication de la myéline. Elles offrent donc un intérêt thérapeutique
évident pour l’ensemble des maladies neurologiques et en particulier
pour la SEP, puisque la maladie s’attaque aux oligodendrocytes.
* Quels mécanismes avez-vous déjà mis en lumière?
Chez la souris, nous avons démontré que ces cellules souches neurales
adultes pouvaient être sollicitées lorsque la myéline est détruite. La
maladie stimule leur prolifération et leur recrutement.
Malheureusement, la participation des cellules souches neurales adultes
à la réparation de la myéline est trop faible. C’est pourquoi nous
cherchons des moyens de recruter ces cellules de manière plus efficace
afin d’augmenter leur potentiel de réparation.
* Comment exploiter ces résultats dans la SEP humaine?
Dernièrement, nous avons montré qu’il existe également des foyers de
prolifération active de cellules souches neurales dans le cerveau de
personnes atteintes de SEP. Une piste thérapeutique pourrait consister
à favoriser la production d’une molécule capable d’attirer ces cellules
souches là où la myéline a été détruite. Mais nous sommes encore loin
d’un traitement qui pourrait être testé en clinique. Pour l’heure, nous
essayons déjà de comprendre comment fonctionne la réparation de la
myéline dans la SEP.