Syndrome de Gougerot-Sjogren
Syndrome de Gougerot-Sjogren
Auteur : Docteur Pascal Hilliquin
Editeur scientifique : Professeur Loïc Guillevin
Date de création : avril 1999
Nom de la maladie et ses synonymes
Syndrome de Gougerot-Sjogren ; Syndrome de Mickulitz ; Syndrome sec.
Définition / Critères diagnostiques
Le syndrome de Gougerot-Sjogren (SGS) est une affection inflammatoire
chronique caractérisée par une sécheresse oculaire et buccale
définissant le syndrome sec. Le syndrome sec peut être associé à
l'atteinte de différents organes. Sur le plan histopathologique, le
syndrome de Sjogren se caractérise par une infiltration
lymphoplasmocytaire des glandes salivaires.
Le SGS est une maladie systémique ou auto-immune pouvant être
primitive, c'est-à-dire isolée, ou secondaire, c'est-à-dire associée à
une affection systémique telle que la polyarthrite rhumatoïde, la
sclérodermie ou la polymyosite. La complication la plus redoutable du
syndrome de Sjogren est la survenue d'un syndrome lymphoprolifératif.
Nom des maladies exclues - Diagnostic différentiel
Le diagnostic de SGS primitif ne peut être retenu qu'après avoir
éliminé une connectivite ou autre affection susceptible d'être
accompagnée d'un SGS secondaire (tableau 1).
Tableau 1 : Autres affections dysimmunitaires pouvant être associées à un SGS Polyarthrite
rhumatoïde
Lupus érythémateux disséminé
Sclérodermie
Connectivite mixte (Syndrome de Sharp)
Cirrhose biliaire primitive
Polymyosite
Vascularites
Thyroïdite auto-immune
Hépatite chronique active
Cryoglobulinémie mixte
Une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ou
par le virus de l'hépatite C peut s'accompagner d'un syndrome sec
clinique. Toutefois les anomalies histologiques des glandes salivaires
accessoires ne correspondent pas à ce qui est habituellement observé
dans le SGS, avec en particulier une infiltration par des lymphocytes
de type CD8 dans l'infection à VIH et non par des lymphocytes CD4.
Epidémiologie - Incidence
Le SGS peut survenir à tous les âges de la vie, avec un pic de
fréquence à l'âge moyen de la vie, au cours des quatrième et cinquième
décennies. Le sex ratio est de 9 femmes pour un homme. Des formes
familiales sont parfois observées. Le SGS est un véritable "syndrome
carrefour" au sein des maladies auto-immunes en raison de l'existence
des formes secondaires. La situation la plus couramment observée est
celle du SGS secondaire, notamment à une polyarthrite rhumatoïde dont
il émaille l'évolution dans environ 20 à 30% des cas.
Description clinique
L'expression clinique du SGS est différente selon qu'il s'agit d'un
SGS primitif ou secondaire. Le SGS primitif se caractérise en effet par
la plus grande fréquence des atteintes viscérales, neurologiques ou
d'une vascularite.
* Syndrome sec
Le syndrome sec notamment oculaire et buccal caractérise le SGS
qu'il soit primitif ou secondaire. Il peut être isolé et parfois au
second plan notamment en cas de SGS secondaire.
*
Syndrome sec oculaire
Les signes fonctionnels de la xérophtalmie ou sécheresse oculaire
sont des picotements oculaires, la sensation de sable ou d'un voile
devant les yeux, l'absence ou l'insuffisance de larmes ou la survenue
de conjonctivites. Le syndrome sec oculaire est objectivé par le test
de Schirmer ou le test de rose Bengale.
* Syndrome sec buccal
Il s'agit de l'autre manifestation clinique la plus fréquente du
syndrome sec. La xérostomie se manifeste parfois par une gêne lors de
la mastication ou la déglutution. A un stade avancé, les patients se
plaignent d'une sensation de brûlure de la langue et des gencives. On
note parfois une hypertrophie des glandes parotides, rarement
volumineuses.
Autres manifestations du syndrome sec
Le tarissement des sécrétions trachéobronchiques peut être à
l'origine d'infections récidivantes. Le syndrome sec peut également
toucher le nez, le pharynx et les oreilles et occasionner des douleurs
pharyngées, un enrouement ou des infections récidivantes.
La sécheresse cutanée s'accompagne d'une peau sèche et squameuse.
Le tarissement des sécrétions vaginales est à l'origine d'un prurit
local et d'une dyspareunie.
* Manifestations systémiques du SGS
Les manifestations articulaires sont très fréquentes au cours du
SGS. Il s'agit habituellement d'arthralgies isolées, sans
manifestations objectives. Les arthrites distales sont plus rares ;
elles se distinguent de la polyarthrite rhumatoïde par l'absence
d'érosions articulaires.
Les myalgies sont fréquemment observées au cours du SGS. La biopsie
musculaire peut mettre en évidence une myosite non spécifique.
Une atteinte respiratoire est observée dans environ 30% des cas.
Elle se manifeste radiologiquement par une atteinte interstitielle
pouvant évoluer vers une fibrose interstitielle diffuse. Dans certains
cas l'atteinte pulmonaire est résistante au traitement par les
corticoïdes et les immunosuppresseurs et constitue un élément pronostic
péjoratif.
Une vascularite à expression cutanée ou neurologique peut
compliquer l'évolution d'un SGS. Les vascularites cutanées se
manifestent par un purpura ou une urticaire. Les manifestations
neurologiques en rapport avec une vascularite correspondent le plus
souvent à une neuropathie périphérique sensitivomotrice des membres
inférieurs.
Des manifestations diverses en rapport avec une atteinte du système
nerveux central peuvent être observées. Il peut s'agir notamment de
l'atteinte des nerfs crâniens. Des signes psychiatriques en rapport
avec une vascularite cérébrale constituent un élément de mauvais
pronostic. Ces manifestations sont extrêmement polymorphes et de
diagnostic difficile.
D'autres manifestations cliniques peuvent être observées à type de
splénomégalie, d'adénopathies périphériques, de syndrome de Raynaud,
d'atteinte oesophagienne ou gastrique, d'atteinte rénale à type de
tubulopathie. Il existe une association préférentielle entre le SGS et
la thyroïdite d'Hashimoto. Une cholestase associée doit faire
rechercher une cirrhose biliaire primitive, caractérisée par la
présence d'anticorps anti-mitochondrie.
Signes biologiques
* Signes biologiques non spécifiques
Les signes biologiques les plus habituels sont l'existence d'un
syndrome inflammatoire avec élévation de la vitesse de sédimentation,
et d’une anémie de type inflammatoire. Une leucopénie ou une
thrombopénie sont plus rarement observées. Une hypergammaglobulinémie
de type polyclonale est une constatation fréquente au cours du SGS. La
disparition en cours d'évolution de l'hypergammaglobulinémie avec
apparition d'une hypogammaglobulinémie doit faire craindre la survenue
d'une hémopathie.
* Anomalies immunologiques
Plusieurs anomalies immunologiques sont fréquemment observées, mais
aucune d'entre elles n'est spécifique du SGS. Le facteur rhumatoïde est
détecté dans environ deux tiers des cas, aussi bien dans le SGS
primitif que dans les formes secondaires. Des complexes immuns
circulants sont parfois détectés, de même qu'une cryoglobulinémie,
celle-ci s'accompagnant parfois d'une vascularite. Le taux du
complément sérique est parfois abaissé, pouvant parfois faire suspecter
un lupus associé.
Les anticorps antinucléaires recherchés en immunofluorescence
indirecte sont détectés chez plus de deux tiers des malades atteints de
SGS primitif et environ une fois sur deux dans le SGS secondaire. La
présence d'anticorps anti-ADN natif est possible (environ un quart des
cas), mais les anticorps les plus caractéristiques du SGS sont des
anticorps dirigés contre des antigènes nucléaires solubles, les
anticorps anti-La/SSB et les anticorps anti-Ro/SSA. L'anticorps
anti-SSB ou anti-La est plus caractéristique du SGS primitif ; il est
détecté dans 50% à 70% des cas, et s'associe environ une fois sur deux
à la présence d'anti-SSA ou anti-Ro. La détection des deux
auto-anticorps, anti-SSA et anti-SSB, est très évocatrice du syndrome
de SGS. L'anticorps anti-SSB est moins souvent retrouvé dans les SGS
secondaires et à des taux plus faibles. L'anticorps anti-SSA est
présent dans 30 à 60% des cas dans le SGS primitif, et seulement dans
10% des cas de SGS secondaire. L'anticorps anti-SSA peut ne pas être
détecté lors de la recherche des anticorps antinucléaires par
immunofluorescence indirecte (faux négatifs). Sa recherche doit ainsi
se faire indépendamment, en utilisant des substrats spécifiques.
L'anticorps anti-SSA est associé à des formes plus graves du SGS avec
vascularite, atteintes viscérales et signes hématologiques.
La fréquence de positivité des différents auto-anticorps est à
interpréter avec précaution, car celle-ci varie en fonction de la
technique de détection utilisée.
D'autres auto-anticorps sont parfois présents tels que les
anticorps anti-thyroglobuline, anti-microsome thyroïdien,
anti-mitochondrie, anti-muscle lisse. Les anticorps anti-canaux
salivaires ne sont pas recherchés en pratique courante et ne sont pas
spécifiques du SGS.
L'existence de certains allèles HLA n'est pas un critère
diagnostique du SGS. Le SGS s'associe toutefois avec prédilection à
l'haplotype HLA B8-DR3. L'intolérance relativement fréquente vis-à-vis
des traitements de fond avec survenue d'effets indésirables pourrait
être liée à l'antigène DR3, mais ceci n'a jamais été démontré.
Méthodes de diagnostic
Le SGS est suspecté sur l'existence d'un syndrome sec clinique. Le
syndrome sec est confirmé par l'examen ophtalmologique avec réalisation
des tests de Schirmer et de Rose Bengale. Il convient toutefois
d'éliminer d'autres causes de syndrome sec telles que la prise de
médicaments psychotropes, parasympathicolytiques, d'antihypertenseurs,
ou la notion d'une irradiation préalable en regard des glandes
salivaires.
La confirmation du SGS repose sur la biopsie des glandes salivaires
accessoires. Ce geste simple est réalisé en ambulatoire et consiste en
un prélèvement sur la face muqueuse de la lèvre inférieure. L'examen
histologique des glandes salivaires renseigne sur l'importance de
l'infiltrat lymphocytaire, l'altération des structures glandulaires,
acini et canaux excréteurs, et la fibrose du parenchyme. Différentes
classifications ont été proposées pour quantifier l'infiltrat
lymphoplasmocytaire telles que la classification de Chisholm et
Chomette et celle de Chisholm et Masson. L'infiltration lymphocytaire
est habituellement classée en fonction de son importance en 5 stades,
le stade 0 correspondant à une glande normale. Les stades 3 et 4 sont
en général très évocateurs du SGS. L'infiltrat lymphocytaire débute et
prédomine autour des vaisseaux ; il peut s'organiser en véritables
follicules. Il s'associe à une sclérose collagène d'intensité variable.
Les stades précoces sont caractérisés par la prédominance de
l'infiltration lymphoplasmocytaire alors que la fibrose prédomine aux
stades tardifs, aboutissant parfois à une atrophie glandulaire rendant
le diagnostic très difficile.
Les techniques morphologiques permettant d'étudier les glandes
salivaires telle que la sialographie ne sont pas utilisées en pratique
courante. Il en est de même de la scintigraphie des glandes salivaires
et de l'étude du flux salivaire.
Prise en charge - Traitements
Les médicaments visant à stimuler la sécrétion salivaire sont en
général peu efficaces pour le traitement du syndrome sec buccal.
L'insuffisance lacrymale est traitée par l'instillation
pluriquotidienne de larmes artificielles.
Dans les formes articulaires de la maladie, l'hydroxychloroquine
est utilisée en tant que traitement de fond, associée à un
antiinflammatoire non stéroïdien ou parfois à une corticothérapie par
voie orale à faible dose (<10 mg/jour). Le recours au méthotrexate
est plus rare. Le SGS secondaire ne requiert pas de traitement
spécifique, en dehors de celui de l'affection associée et du traitement
local du syndrome sec.
Les formes systémiques du SGS nécessitent parfois le recours aux
corticoïdes à fortes doses par voie orale ou en bolus et à des
immunosuppresseurs tels que l'azathioprine ou le cyclophosphamide.
L'utilisation de tels traitements s'adresse notamment aux formes avec
vascularite ou syndrome interstitiel pulmonaire.
Complications
Les complications locales du syndrome sec telles que les kératites
sont en général sans gravité et facilement accessibles à un traitement
local.
La complication principale et la plus redoutable du SGS est la
survenue d'un lymphome. Il s'agit le plus souvent d'un lymphome malin
de type B. Quelques cas de pseudo-lymphome correspondant à une
prolifération lymphoïde sans caractère histologique de malignité ont
cependant été rapportés. Un lymphome peut être suspecté en cas
d'apparition d'une hypogammaglobulinémie. Ces patients doivent être
régulièrement surveillés pour dépister les premières manifestations
d'une hémopathie notamment l'apparition d'adénopathies périphériques,
d'une splénomégalie ou de signes spécifiques d'organe.
Questions non résolues et commentaires
L'étiologie du SGS n'est actuellement pas connue. L'hypothèse la
plus probable fait intervenir une infection par un virus sialotrope,
survenant sur un terrain génétique prédisposé. Si plusieurs virus ont
été suspectés, le rôle direct d'aucun d'entre eux n'a pu être démontré.
De plus les syndromes secs observés au cours de l'infection par le VIH
ou associés au virus de l'hépatite C n'ont pas les mêmes
caractéristiques que celles du SGS.
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Docteur Pascal Hilliquin
Service de Rhumatologie A
Hôpital Cochin
27 rue du Faubourg Saint-Jacques
75679 PARIS Cedex 14.
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