Syndrome de Gougerot-Sjogren
Auteur : Docteur Pascal Hilliquin
Editeur scientifique : Professeur Loïc Guillevin
Nom de la maladie et ses synonymes
Syndrome de Gougerot-Sjogren ; Syndrome de Mickulitz ; Syndrome sec.
Définition / Critères diagnostiques
Le syndrome de Gougerot-Sjogren (SGS) est une affection inflammatoire
chronique caractérisée par une sécheresse oculaire
et buccale définissant le syndrome sec. Le syndrome sec peut être
associé à l'atteinte de différents organes. Sur le
plan histopathologique, le syndrome de Sjogren se caractérise par
une infiltration lymphoplasmocytaire des glandes salivaires.
Le SGS est une maladie systémique ou auto-immune pouvant être
primitive, c'est-à-dire isolée, ou secondaire, c'est-à-dire
associée à une affection systémique telle que la polyarthrite
rhumatoïde, la sclérodermie ou la polymyosite. La complication
la plus redoutable du syndrome de Sjogren est la survenue d'un syndrome
lymphoprolifératif.
Nom des maladies exclues - Diagnostic différentiel
Le diagnostic de SGS primitif ne peut être retenu qu'après
avoir éliminé une connectivite ou autre affection susceptible
d'être accompagnée d'un SGS secondaire (tableau 1).
Polyarthrite rhumatoïde |
Lupus érythémateux disséminé |
Sclérodermie |
Connectivite mixte (Syndrome de Sharp) |
Cirrhose biliaire primitive |
Polymyosite |
Vascularites |
Thyroïdite auto-immune |
Hépatite chronique active |
Cryoglobulinémie mixte |
Une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ou par le virus de l'hépatite C peut s'accompagner d'un syndrome sec clinique. Toutefois les anomalies histologiques des glandes salivaires accessoires ne correspondent pas à ce qui est habituellement observé dans le SGS, avec en particulier une infiltration par des lymphocytes de type CD8 dans l'infection à VIH et non par des lymphocytes CD4.
Epidémiologie - Incidence
Le SGS peut survenir à tous les âges de la vie, avec un
pic de fréquence à l'âge moyen de la vie, au cours
des quatrième et cinquième décennies. Le sex ratio
est de 9 femmes pour un homme. Des formes familiales sont parfois observées.
Le SGS est un véritable "syndrome carrefour" au sein des maladies
auto-immunes en raison de l'existence des formes secondaires. La situation
la plus couramment observée est celle du SGS secondaire, notamment
à une polyarthrite rhumatoïde dont il émaille l'évolution
dans environ 20 à 30% des cas.
Description clinique
L'expression clinique du SGS est différente selon qu'il s'agit
d'un SGS primitif ou secondaire. Le SGS primitif se caractérise
en effet par la plus grande fréquence des atteintes viscérales,
neurologiques ou d'une vascularite.
- Syndrome sec
Le syndrome sec notamment oculaire et buccal caractérise le SGS qu'il soit primitif ou secondaire. Il peut être isolé et parfois au second plan notamment en cas de SGS secondaire.
Syndrome sec oculaire
Les signes fonctionnels de la xérophtalmie ou sécheresse
oculaire sont des picotements oculaires, la sensation de sable ou d'un
voile devant les yeux, l'absence ou l'insuffisance de larmes ou la survenue
de conjonctivites. Le syndrome sec oculaire est objectivé par le
test de Schirmer ou le test de rose Bengale.
Syndrome sec buccal
Il s'agit de l'autre manifestation clinique la plus fréquente
du syndrome sec. La xérostomie se manifeste parfois par une gêne
lors de la mastication ou la déglutution. A un stade avancé,
les patients se plaignent d'une sensation de brûlure de la langue
et des gencives. On note parfois une hypertrophie des glandes parotides,
rarement volumineuses.
Autres manifestations du syndrome sec
Le tarissement des sécrétions trachéobronchiques
peut être à l'origine d'infections récidivantes. Le
syndrome sec peut également toucher le nez, le pharynx et les oreilles
et occasionner des douleurs pharyngées, un enrouement ou des infections
récidivantes.
La sécheresse cutanée s'accompagne d'une peau sèche
et squameuse. Le tarissement des sécrétions vaginales est
à l'origine d'un prurit local et d'une dyspareunie.
- Manifestations systémiques du SGS
Les manifestations articulaires sont très fréquentes au cours du SGS. Il s'agit habituellement d'arthralgies isolées, sans manifestations objectives. Les arthrites distales sont plus rares ; elles se distinguent de la polyarthrite rhumatoïde par l'absence d'érosions articulaires.
Les myalgies sont fréquemment observées au cours du SGS. La biopsie musculaire peut mettre en évidence une myosite non spécifique.
Une atteinte respiratoire est observée dans environ 30% des cas. Elle se manifeste radiologiquement par une atteinte interstitielle pouvant évoluer vers une fibrose interstitielle diffuse. Dans certains cas l'atteinte pulmonaire est résistante au traitement par les corticoïdes et les immunosuppresseurs et constitue un élément pronostic péjoratif.
Une vascularite à expression cutanée ou neurologique peut compliquer l'évolution d'un SGS. Les vascularites cutanées se manifestent par un purpura ou une urticaire. Les manifestations neurologiques en rapport avec une vascularite correspondent le plus souvent à une neuropathie périphérique sensitivomotrice des membres inférieurs.
Des manifestations diverses en rapport avec une atteinte du système nerveux central peuvent être observées. Il peut s'agir notamment de l'atteinte des nerfs crâniens. Des signes psychiatriques en rapport avec une vascularite cérébrale constituent un élément de mauvais pronostic. Ces manifestations sont extrêmement polymorphes et de diagnostic difficile.
D'autres manifestations cliniques peuvent être observées à type de splénomégalie, d'adénopathies périphériques, de syndrome de Raynaud, d'atteinte oesophagienne ou gastrique, d'atteinte rénale à type de tubulopathie. Il existe une association préférentielle entre le SGS et la thyroïdite d'Hashimoto. Une cholestase associée doit faire rechercher une cirrhose biliaire primitive, caractérisée par la présence d'anticorps anti-mitochondrie.
Signes biologiques
- Signes biologiques non spécifiques
Les signes biologiques les plus habituels sont l'existence d'un syndrome inflammatoire avec élévation de la vitesse de sédimentation, et d’une anémie de type inflammatoire. Une leucopénie ou une thrombopénie sont plus rarement observées. Une hypergammaglobulinémie de type polyclonale est une constatation fréquente au cours du SGS. La disparition en cours d'évolution de l'hypergammaglobulinémie avec apparition d'une hypogammaglobulinémie doit faire craindre la survenue d'une hémopathie.
- Anomalies immunologiques
Plusieurs anomalies immunologiques sont fréquemment observées,
mais aucune d'entre elles n'est spécifique du SGS. Le facteur rhumatoïde
est détecté dans environ deux tiers des cas, aussi bien dans
le SGS primitif que dans les formes secondaires. Des complexes immuns circulants
sont parfois détectés, de même qu'une cryoglobulinémie,
celle-ci s'accompagnant parfois d'une vascularite. Le taux du complément
sérique est parfois abaissé, pouvant parfois faire suspecter
un lupus associé.
Les anticorps antinucléaires recherchés en immunofluorescence
indirecte sont détectés chez plus de deux tiers des malades
atteints de SGS primitif et environ une fois sur deux dans le SGS secondaire.
La présence d'anticorps anti-ADN natif est possible (environ un
quart des cas), mais les anticorps les plus caractéristiques du
SGS sont des anticorps dirigés contre des antigènes nucléaires
solubles, les anticorps anti-La/SSB et les anticorps anti-Ro/SSA. L'anticorps
anti-SSB ou anti-La est plus caractéristique du SGS primitif ; il
est détecté dans 50% à 70% des cas, et s'associe environ
une fois sur deux à la présence d'anti-SSA ou anti-Ro. La
détection des deux auto-anticorps, anti-SSA et anti-SSB, est très
évocatrice du syndrome de SGS. L'anticorps anti-SSB est moins souvent
retrouvé dans les SGS secondaires et à des taux plus faibles.
L'anticorps anti-SSA est présent dans 30 à 60% des cas dans
le SGS primitif, et seulement dans 10% des cas de SGS secondaire. L'anticorps
anti-SSA peut ne pas être détecté lors de la recherche
des anticorps antinucléaires par immunofluorescence indirecte (faux
négatifs). Sa recherche doit ainsi se faire indépendamment,
en utilisant des substrats spécifiques. L'anticorps anti-SSA est
associé à des formes plus graves du SGS avec vascularite,
atteintes viscérales et signes hématologiques.
La fréquence de positivité des différents auto-anticorps est à interpréter avec précaution, car celle-ci varie en fonction de la technique de détection utilisée.
D'autres auto-anticorps sont parfois présents tels que les anticorps anti-thyroglobuline, anti-microsome thyroïdien, anti-mitochondrie, anti-muscle lisse. Les anticorps anti-canaux salivaires ne sont pas recherchés en pratique courante et ne sont pas spécifiques du SGS.
L'existence de certains allèles HLA n'est pas un critère diagnostique du SGS. Le SGS s'associe toutefois avec prédilection à l'haplotype HLA B8-DR3. L'intolérance relativement fréquente vis-à-vis des traitements de fond avec survenue d'effets indésirables pourrait être liée à l'antigène DR3, mais ceci n'a jamais été démontré.
Méthodes de diagnostic
Le SGS est suspecté sur l'existence d'un syndrome sec clinique.
Le syndrome sec est confirmé par l'examen ophtalmologique avec réalisation
des tests de Schirmer et de Rose Bengale. Il convient toutefois d'éliminer
d'autres causes de syndrome sec telles que la prise de médicaments
psychotropes, parasympathicolytiques, d'antihypertenseurs, ou la notion
d'une irradiation préalable en regard des glandes salivaires.
La confirmation du SGS repose sur la biopsie des glandes salivaires accessoires. Ce geste simple est réalisé en ambulatoire et consiste en un prélèvement sur la face muqueuse de la lèvre inférieure. L'examen histologique des glandes salivaires renseigne sur l'importance de l'infiltrat lymphocytaire, l'altération des structures glandulaires, acini et canaux excréteurs, et la fibrose du parenchyme. Différentes classifications ont été proposées pour quantifier l'infiltrat lymphoplasmocytaire telles que la classification de Chisholm et Chomette et celle de Chisholm et Masson. L'infiltration lymphocytaire est habituellement classée en fonction de son importance en 5 stades, le stade 0 correspondant à une glande normale. Les stades 3 et 4 sont en général très évocateurs du SGS. L'infiltrat lymphocytaire débute et prédomine autour des vaisseaux ; il peut s'organiser en véritables follicules. Il s'associe à une sclérose collagène d'intensité variable. Les stades précoces sont caractérisés par la prédominance de l'infiltration lymphoplasmocytaire alors que la fibrose prédomine aux stades tardifs, aboutissant parfois à une atrophie glandulaire rendant le diagnostic très difficile.
Les techniques morphologiques permettant d'étudier les glandes salivaires telle que la sialographie ne sont pas utilisées en pratique courante. Il en est de même de la scintigraphie des glandes salivaires et de l'étude du flux salivaire.
Prise en charge - Traitements
Les médicaments visant à stimuler la sécrétion
salivaire sont en général peu efficaces pour le traitement
du syndrome sec buccal. L'insuffisance lacrymale est traitée par
l'instillation pluriquotidienne de larmes artificielles.
Dans les formes articulaires de la maladie, l'hydroxychloroquine est utilisée en tant que traitement de fond, associée à un antiinflammatoire non stéroïdien ou parfois à une corticothérapie par voie orale à faible dose (<10 mg/jour). Le recours au méthotrexate est plus rare. Le SGS secondaire ne requiert pas de traitement spécifique, en dehors de celui de l'affection associée et du traitement local du syndrome sec.
Les formes systémiques du SGS nécessitent parfois le recours aux corticoïdes à fortes doses par voie orale ou en bolus et à des immunosuppresseurs tels que l'azathioprine ou le cyclophosphamide. L'utilisation de tels traitements s'adresse notamment aux formes avec vascularite ou syndrome interstitiel pulmonaire.
Complications
Les complications locales du syndrome sec telles que les kératites
sont en général sans gravité et facilement accessibles
à un traitement local.
La complication principale et la plus redoutable du SGS est la survenue
d'un lymphome. Il s'agit le plus souvent d'un lymphome malin de type B.
Quelques cas de pseudo-lymphome correspondant à une prolifération
lymphoïde sans caractère histologique de malignité ont
cependant été rapportés. Un lymphome peut être
suspecté en cas d'apparition d'une hypogammaglobulinémie.
Ces patients doivent être régulièrement surveillés
pour dépister les premières manifestations d'une hémopathie
notamment l'apparition d'adénopathies périphériques,
d'une splénomégalie ou de signes spécifiques d'organe.
Questions non résolues et commentaires
L'étiologie du SGS n'est actuellement pas connue. L'hypothèse
la plus probable fait intervenir une infection par un virus sialotrope,
survenant sur un terrain génétique prédisposé.
Si plusieurs virus ont été suspectés, le rôle
direct d'aucun d'entre eux n'a pu être démontré. De
plus les syndromes secs observés au cours de l'infection par le
VIH ou associés au virus de l'hépatite C n'ont pas les mêmes
caractéristiques que celles du SGS.
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Docteur Pascal Hilliquin
Service de Rhumatologie A
Hôpital Cochin
27 rue du Faubourg Saint-Jacques
75679 PARIS Cedex 14.